Relatórios Portugueses das Conferências dos Tribunais Constitucionais Europeus
XIª Conferência dos Tribunais Constitucionais
Europeus
A Jurisprudência constitucional em matéria
de liberdade religiosa em Portugal (texto em francês)
José de Sousa e Brito, Juiz do Tribunal Constitucional
[Varsóvia, Polónia, de 16 a 20 de maio de
1999]
XI ème CONFÉRENCE DES COURS CONSTITUTIONNELLES
EUROPÉENNES
LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE EN MATIERE DE LIBERTE CONFESSIONELLE AU PORTUGAL
Rapport élaboré pour : José de Sousa e Brito, Juge au Tribunal
Constitutionnel, Lisbonne
Rapport Portugais
[Varsovie, Pologne, du 16 au 20 mai 1999]
A - Statut de l'individu
I - L'essence et le contenu de la liberté de conscience et de religion
1. La liberté de conscience et de religion dans l'histoire constitutionnelle.
L'évolution du droit portugais accompagne l'évolution européenne. L'on peut y reconnaître trois étapes sucessives. La première est la séparation de la liberté de conscience et de la liberté de religion. Liberté de conscience et liberté de religion sont garanties séparément en Allemagne dans la constitution de la Paulskirche de 1849 (§144: "volle Glaubens- und Gewissensfreiheit"), qui n'est jamais entrée en vigueur, et dans la constitution suisse de 1874 (article 49: "La liberté de conscience et de croyance et inviolable"). La constitution portugaise de 1911, article 3, nº 4 repéte la formule suisse.
La deuxième étape est celle de la liberté intérieure de la conscience jusqu'à son expression extérieure et publique. Un droit correspondant restreint au libre exercice de la religion et parfois limité par les lois générelles ("die allgemeinen Staatsgesetze": constitution de Weimar, § 135) oú "l'ordre publique et les bonnes moeurs" (constitution suisse) est déjà reconnu dans les constitutions antérieures. Bien plus que cela est "la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites", reconnue dans la Déclaration Universelle des droits de l'homme de 1948 (article 18, nº 1), suivi par la convention européene des droits de l'homme de 1950 (article 9, nº 1) et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (article 18, nº 1). La constitution portugaise de 1976 reconnaît cette portée du droit (article 41, cité après), quoique par d'autres mots.
La troisième étape est la liberté d'agir, ou de vivre sa vie, sans violer sa conscience, ce qui implique le droit à l'objection de conscience lorsqu'il y a un devoir juridique contraire. Le grand pas en avant a été donné par la loi fondamentale allemande 1949, dont l'article 4, section 3 accueille l'objection de conscience contre le service militaire. Les constitutions autrichienne en 1975 (article 9a, § 3), portugaise en 1976 (article 41, nº 5) et espagnole en 1978 (article 30, nº 2) l'ont suivi (de même les constitutions de Malte de 1974, article 36, nº 2c, des Pays Bas de 1983, article 99 - de façon moins nette - de Croatie de 1991, article 41, de Slovénie de 1991, article 123, d'Estonie, 1992, article 124, de Slovaquie de 1992, article 25, nº 2, de la République Tchèque de 1992, article 15, nº .3, de la Rusie de 1993, article 28, pour ne parler que des États européens).
En 1982 la revision constitutionnelle a changé le nº 5, devenu nº 6, de l'article 41: "Le droit à l'objection de conscience est garanti conformément à la loi". Ce fut la première fois qu'un droit général à l'objection de conscience a été reconnu, si l'on excepte quelques articles polémiques des déclarations de droits américaines de Pennsylvania de 1776 (article 8) et de Vermont de 1977 (article 9), qui n'ont pas été suivis par les déclarations américaines postérieures. L'exemple portugais a clairement influencé le texte identique de la constitution dês îles de Cape Vert, article 48, nº 8.
2. Le cadre de la constitution de 1976
La constitution de 1976 (révisée en 1982, 1989, 1992 et 1997) a des références explicites à la religion aux articles 13 nº 2, 41, 43 nº 2, 35 nº 3, 51, nº 3, 55, nº 4 et 288, alinea c) (il semble convenable de transcrire entièrement les trois articles, car le contexte des dispositions est aussi relevant):
Article 13.
Principe de l'égalité
1. Tous les citoyens ont la même dignité sociale et sont égaux devant la loi.
2. Nul ne peut être privilégié, avantagé, défavorisé,
privé d'un droit ou dispensé d'un devoir en raison de son ascendance,
de son sexe, de sa race, de son territoire d'origine, de sa religion, de ses
convictions politiques ou idéologiques, de son instruction, de sa situation
économique ou de sa condition sociale.
Article 41
Liberté de conscience, de religion et de culte
1. La liberté de conscience, de religion et de culte est inviolable.
2. Nul ne peut être poursuivi, privé de droits, dispensé d'obligations ou de devoirs civiques en raison de ses convictions ou de ses pratiques religieuses.
3. Nul ne peut être interrogé, par aucune autorité, au sujet de ses convictions ou de ses pratiques religieuses, sauf pour le recueil de données statistiques qui ne permettront pas d'identifier les personnes auprès de qui elles ont été obtenues, ni subir de préjudice pour avoir refusé de répondre.
4. Les Églises et les communautés religieuses sont séparées de l'État et peuvent librement s'organiser, exercer leurs fonctions et célébrer leur culte.
5. La liberté de l'enseignement de toute religion est réalisée et garantie dans le cadre des confessions, ainsi que l'utilisation de leurs propres moyens de communication sociales pour l'exercice de leurs activités.
6. Le droit à l'objection de conscience est garanti, conformément à la loi.
Article 43.
Liberté d'apprendre et d'enseigner
1. La liberté d'apprendre et d'enseigner est garantie.
2. L'État ne peut s'arroger le droit de déterminer l'éducation et la culture selon des lignes directrices philosophiques, esthétiques, politiques, idéologiques ou religieuses.
3. L'enseignement public ne sera pas confessionnel.
4. Le droit de créer des écoles privées ou des centres coopératifs d'enseignement est garanti.
Article 35.
Utilisation de l'informatique
3. L'informatique ne peut être utilisée pour le traitement de données concernant les convictions philosophiques ou politiques, la filiation à un parti ou à un syndicat, la foi religieuse ou la vie privée, à moins qu'il ne s'agisse de données recueillies à des fins statistiques qui ne permettront pas d'identifier les personnes auprès desquelles elles ont été obtenues.
Article 51.
Associations et partis politiques
3. Sans préjudice de la philosophie ou ideologie inspirant leur programme, les partis politiques ne peuvent utiliser une dénomination qui contienne des expressions évoquant directement quelque religion ou Église que se soit, ni des emblèmes susceptibles d'être confondus avec des symboles nationaux ou religieux.
Article 55.
Liberté syndicale
4. Les associations syndicales sont indépendantes du patronat, de l'État, des confessions religieuses, des partis et d'autres associations politiques, et la loi doit établir les garanties nécessaires à cette indépendance, fondement de l'unité des classes laborieuses.
Article 288.
Limites matérielles de la révision
Les lois de révision constitutionnelle devront
respecter:
c) La séparation des Églises et de l'État
Il faudra remarquer que selon l'article 16 nº 2 de la constitution "les normes constitutionnelles et légales se rapportant aux droits fondamentaux doivent être interprétées et appliquées conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme" et que par ce biais l'article 18 de la Déclaration universelle est incorporé dans la constitution.
3. La situation actuelle du droit des religions au Portugal et le nouveau projet de loi de liberté religieuse (1999)
La situation actuelle du droit des religions au Portugal [1] se caractérise avant tout par la coéxistence de la constitution de 1976, qui consacre clairement la liberté religieuse et la séparation des Églises de l'État et qui ne mentionne même pas l'Église catholique, avec une législation marquée par deux diplômes basiques typiques du système jurisdictionnel en vigueur avant la révolution de 1974: le concordat de 1940 et la loi nº 4/71 du 21.8 sur la liberté religieuse. Cette dernière loi ne s'applique à l'Église catholique que lorsque le concordat n'a pas de disposition applicable. La loi même le dit (base XVII), mais cela résulte déjà du fait qu'elle est reçue comme droit ordinaire (c'est-à-dire, infraconstitutionnelle) antérieur à la constitution (art. 290, nº 2 de la constitution), tandis que le concordat a toujours été considéré comme droit international, lequel est supérieur à la loi et inférieur à la constitution (art. 8, nº 2, et 277, nº 1 de la constitution). Cette loi nº 4/71 contient donc le statut juridique des confessions religieuses non-catholiques.Certes, la différente forme juridique des règles applicables et l'absence d'une base légale commune infraconstitutionnelle ne violent pas la liberté religieuse et restent une conséquence du système des sources, autant qu'il y aura des concordats. Les vraies difficultés sont soulevées par le contenu de la loi, qui ne cherche point à éteindre aux confessions non-catholiques les privilèges accordés par le concordat.
D'autre part, il est sûr que les normes inconstitutionnelles du concordat ont été révoquées tacitement par la constitution. La question se pose de savoir quelles sont ces normes. Le concordat n'a été revu qu'une fois en 1975, avant la Constitution de 1976, pour permettre le divorce civil des catholiques (art. I du protocole additionnel), et pour dire que tous les autres articles de la concordat se maintiennent en vigueur (art. II du même protocole). Mais tout le monde - ou presque - est d'accord en ce que les normes du concordat qui donnent à l'État des iura circa sacra, tels que le droit de l'État de soulever des objections de caractère politique général avant la nomination d'évêques résidentiels (art. X), violent le principe de la séparation [2]. En ce qui concerne les privilèges accordés à l'Église catholique, la doctrine et la jurisprudence constitutionnelle sont tellement divisées que l'on peut parler d'incertitude juridique. Les racines des divisions et de l'incertitude se rattachent à des différents modèles historiques de la liberté religieuse et de la séparation des Églises de l'État. Si l'on croit à la liberté religieuse surtout comme droit individuel, on tend à nier tout privilège au nom de l'égalité des individus, y compris ceux qui n'ont pas de religion. L'idée même d'un concordat est alors mise en cause. Si l'on est plutôt ouvert à la dimension institutionnelle, on acceptera éventuellement des droits collectifs des confessions inaccessibles à l'individu isolé, et l'égalité exige simplement que toutes les confessions puissent accéder également aux privilèges accordés à l'une d'entre elles, si elles veulent s'en prévaloir. Mais ces privilèges, et donc les concordats et accords qui les confèrent, ont toujours comme limite le principe de la séparation. Séparation cependant veut dire tout autre chose d'après la constitution américaine et les lois anticléricales de séparation, telles que la loi française de 1905 et la loi portugaise de 1911, d'une part, et d'après la constitution portugaise de 1933, qui depuis 1951 (art. 45) appelait de séparation le régime établi par la concordat de 1940, d'autre part. On se penchera en détail sur ce problème dans la deuxième partie du rapport (infra, BI1).
En ce qui concerne la loi nº 4/71, elle n'a jamais prétendu l'égalité de droits en matiére religieuse, a partir d'un seuil commun de libertés, surtout négatives, elle accepte une discrimination positive en faveur de l'égalité catholique.
Le caractère anachronique, aussi bien que l'opposition à l'esprit - et parfois aux dispositions de la constitution de 1976, et les protestations des minorités religieuses ont mené le gouvernement à nommer en april 1996 une commission de reforme de la loi de la liberté religieuse (présidée par José de Sousa e Brito), qui, après trois auditions publiques auprès de toutes les confessions connues au Portugal, a presenté un projet de loi qui a été adopté en Mars 1999 par le Gouvernement pour être presenté sous la forme de "Proposta de lei" (projet de loi) au Parlement. Nous rendrons compte des solutions de ce projet de loi de liberté religieuse au fur et a mesure et nous en donnons en appendice une version anglaise [3].
4. La liberté de conscience et de religion en tant que droit fondamental de l'individu
La constitution de 1976 a reconnu la liberté de conscience et de religion avec tous ses élements, aussi bien en tant que liberté individuelle qu'en tant que liberté collective des Églises et communautés religieuses.
Le nouveau Projet de loi de liberté religieuse fait une liste non exaustive des droits individuels (articles 7 à 12) compris dans la liberté de conscience, de religion et de culte, notamment (article 7) les droits de :
a) avoir, n'avoir pas et cesser d'avoir une religion;
b) choisir librement sa propre crooyance religieuse, changer de croyance et abandonner celle qu'on avait;
c) informer et s'informer sur la religion, apprender et enseigner religion;
d) professer sa propre croyance religieuse, chercher pour elle des nouveaux croyants, exprimer et divulguer librement, par des mots, des images ou quelqu'autre moyen sa pensée en matière religieuse;
e) produire des oeuvres scientifiques, litéraires et artistiques en matière de religion;
f) se réunir, se manifester et s'associer avec d'autres personnes conformément aux propres convictions en matière religieuse, avec les seuls limites généraux de ces droits;
g) pratiquer ou ne pratiquer pas les actes du culte, privé ou public, qui appartiennent à la religion que l'on professe;
h) se conduire ou ne se conduire pas selon les règles de la religion que l'on professe;
i) choisir pour ses enfants des noms qui s'appartiennent `l'onomastique religieuse de la religion que l'on professe.
Ce sont là des contenus déjà exprimés - quoique parfois d'une façon moins complète - dans la loi nº 4/71 (base III, pour les alineas a), b), d), g) et h)), dans la Déclaration universelle des droits de l'homme (article 18, nºs 1 e 2, pour les alineas a), b), c), f), g) et h)), dans la Convention européenne des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 9, nº 1 de la Convention et 18 du Pacte, pour les alineas a), b), d), f) , g) et h)). Nouveau est le droit de choisir pour ses enfants les noms qui appartiennent à la religion que l'on professe, important pour les confessions non-chrétiennes, mais ce droit - comme les autres alineas - peut se déduire de l'article 41, nº 1 de la constitution conjugé cette fois avec le droit à l'identité personnelle (article 26º).
Aux libertés religieuses positives (d'avoir,
choisir, professer, etc.) correspondent libertés négatives de
n'être pas obligé ou contraint (d'avoir, etc.). L'article 8 du
Projet retient quelques unes :
Aucune personne peut :
a) être obligé de professer une croyance relieuse, de pratiquer ou d'assister à des actes de culte, de recevoir assistance ou propagande en matière religieuse;
b) être contraint de faire partir, de rester ou de sortir d'une association, Église ou communauté religieuse, sans préjudice des règles de celles-ci sur la filiation ou l'exclusion de membres;
c) être demandé par une autorité quelconque sur ses convictions ou sa pratique religieuse, sauf si c'est pour recueillir des donnés statistiques non identifiables individuellement, ni avoir préjudice en raison du refus de répondre.
d) être obligé de prêter serment religieux.
Les droits de participation, dont l'exercice dépend des ministres du culte et des règles de l'Église ou de la communauté religieuse, sont ennouncés à part (article 9):
a) droits d'adhésion à l'Église ou communauté religieuse de son choix, de participer dans la vie interne et les rites de la pratique réligieuse commune et recevoir l'assitance religieuse demandée.
b) droit de célébrer le mariage et d'avoir des funérailles selon les rites de sa propre religion;
c) commémorer en public les fêtes religieuses.
Le droit des parents d'éducation de leurs enfants en cohérence avec ses convictions en matière de réligion est reconnu (article 10), conformément à l'article 25 de la Déclaration Universelle, l'article 2 du Protocol additionnel nº 1 de la Convention européenne et l'article 18, nº 4 du Pacte.
II - La protection des valeurs religieuses en tant que droits fondamentaux de l'homme
1. La liberté de conscience
La loi règle l'objection de conscience notamment à l'égard du service militaire obligatoire (loi nº 7/92 du 12.5) et à l'égard de l'avortement (pour les médicins et profissionels de santé: loi nº 8/84 du 11.5, article 4).
Cela ne veut pas dire que l'objection de conscience ne soit pas invocable dans d'autres domaines, une fois que la rémission pour la loi que la norme constitutionnelle fait ne signifie pas une restrition, mais une autorisation explicite des lois configuratives du droit.
La cour constitutionnelle (Tribunal Constitucional) s'est prononcé plusieurs fois sur des normes de la loi du service militaire. L'arrêt nº 143/88 (Acórdãos do Tribunal Constitucional, 11, p.967 ss., dans le même sens arrêt nº 410/98, Acórdãos cit., 13 - II, p. 1179 ss.) a jugé que la norme de la loi (loi nº 6/85 du 4.5, la première loi sur cette matière) qui donnait compétence a une commission administrative spécial pour attribuer le statut d'objecteur, notamment à ceux qui avaient déclaré l'être avant l'existence d'une loi sur la matière (en plus de la constitution), n' était pas inconstitutionnelle. Cette norme ne viola pas les régles sur la compétence exclusive des juges (réserve jurisdictionelle), ni le principe d'égalité (une fois que la délimitation des personnes soummises à la commission et de celles qui seraient soumises dans le futur aux tribunaux était raisonable).
La loi nº 7/92 du 12.5 s'est substituée à la loi 6/85. Après son approbation par le Parlement et avant sa publication, quelques dispositions de cette loi ont été soumises, par initiative du Président de la République, au contrôle préventif de constitutionnalité de la Cour Constitutionnelle. La décision de la Cour (arrêt n 363/91 Acórdãos cit., 19, p. 79 ss.) a constaté trois causes d'inconstitutionnalité: celle de faire perdre la qualité d'objecteur à quiconque aurait commis un délit par négligence ou un délit intentionnel qui ne soit pas le fait "d'une intention contraire à la conviction de conscience antérieurement manifestée par l'objecteur et aux devoirs y afférents", celle de faire fonctionner, en cas de condamnation de l'objecteur pour certains délits, la situation d'objecteur comme circonstance aggravante, et celle de soumettre aux obligations militaires ceux qui auraient perdu la qualité d'objecteur, sans tenir compte de la période de service civique qu'ils auraient accomplie auparavant.
La promulgation et la publication de la loi n 7/92 ont ainsi eu lieu après le retrait ou la modification des dispositions déclarées inconstitutionnelles.
Cette loi établit que le droit à l'objection de conscience comporte l'exemption du service militaire tant en temps de paix qu'en temps de guerre, et entraîne nécessairement, (...) le devoir d'accomplir un service civique" (article 1, n 2). L'objecteur de conscience est défini comme le citoyen qui a la conviction, pour des motifs d'ordre religieux, moral, humaniste ou philosophique, qu'il n'est pas légitime d'utiliser des moyens violents de quelque nature que ce soit contre son semblable, même pour des fins de défense nationale collective ou personnelle" (article 2). Le "service civique", de son coté, est caractérisé comme de nature exclusivement civile sans aucun rattachement à quelque institution militaire ou militarisée que ce soit, constituant "une participation utile aux tâches nécessaires à la collectivité" (article 4, nº 1) et d'une durée et contrainte équivalentes à celle du service militaire obligatoire" (article 5, nº 1). Le refus du service civique ou l'abandon de celui-ci sont définis comme un délit (article 9, nº 33).
Un aspect particulièrement important de la loi nº 7/92 est lié à la procédure établie pour être déclaré objecteur de conscience. Lorsqu'il demande la reconnaissance de la situation d'objecteur, l'intéressé doit présenter une "déclaration explicite de disponibilité (...) à accomplir le service civique alternatif" [(article 18, nº 3, al. d)], l'absence de cet élément entraînant le classement de la procédure (article 21); d'où, en pratique, la non-reconnaissance de l'objection de conscience et l'obligation de faire le service militaire. Cette règle a été mise en cause par les témoins de Jéhovah qui refusaient alors non seulement le service militaire mais aussi le service civique. La cour constitutionnelle a decidé, par l'arrêt nº 681/95 (Acórdãos cit, 32, p. 655, ss.), par 7 voix contre 6, que cette règle ne violait pas la Constitution. Selon l'argument de la cour, la définition, dans la constitution, «d'un cadre législatif dans lequel s'insèrent, de façon dialectique, le droit à l'objection de conscience et le devoir de prestation du service militaire comme une obligation inhérente à la defènse de la patrie», qui impose, comme il est également dit dans l'arrêt, «en remplacement du service militaire (...) une forme d'observance des devoirs envers la communauté qui, n'impliquant pour sa prestation aucune contradiction avec cette liberté-là, se traduit dans une activité succédanée de ce service pour les objecteurs de conscience». Ainsi, l'interdiction d'obtention du statu d'objecteur au service militaire par l'objecteur dit «total» (ici représenté par le «témoin de Jéhovah») se justifie du fait que l'objecteur de conscience au service militaire s'oppose également au service civique. L'exigence d'observance du service civique conditionnerait le droit fondamental à l'objection de conscience, ne le restreignant pas.
La minorité de la cour est en désaccord, disant, entre autres choses, que «la constitution n'ayant pas subordonné le droit à l'objection de conscience au service militaire, à l'observance dans la pratique d'un service civique, il n'est pas légitime de subordonner l'exercice de ce droit à une déclaration d'engagement à la prestation de ce service» et qu' une condition qui empêche l'exercice d'un droit fondamentale ne peut être comprise que comme une restriction et, dans cette mesure, ne peut pas se soustraire à une justification constitutionnelle.
Face à la decision de la cour constitutionnelle, le groupe le plus important des objecteurs de conscience est ainsi privé de statut correspondant. Cependant les témoins de Jéhovah ont changé peu après d'orientation doctrinale et accepté désormais le service civique, ce qu'a permis de dépasser dans la pratique la situation engendrée par l'arrêt de la cour.
Le projet de loi de liberté religieuse règle la matière (article 11) dans les termes suivants:
1. La liberté de conscience compreend le droit d'objecter à l'execution des lois qui opposent les commandements insurmontables de la propre conscience, dans les limites des droits et des devoirs imposées par la Constitution et conformément a la loi qui pourra régler l'exercice de l'objection de conscience.
2. On considère insurmontables les commandements de conscience dont la violation implique une grave atteinte à l'intégrité morale de l'individu, qui rend inexigible une autre conduite.
3. Les objecteurs de conscience au service militaire, sans excepter ceux qui invoquent aussi objection de conscience au service civique, ont droit à une organisation du service civique qui respecte, autant qu'il soit compatible avec le principe de l'egalité, les commandements de leur propre conscience.
2. La protection des sentiments religieux
Les sentiments religieux sont protegés avant tout par le Code Pénal, qui punit avec un an d'imprisonement ou 120 jours d'ammende l'outrage d'une personne en raison de sa croyance ou fonction religieuse, aussi bien que la profanation de lieu ou objet de culte ou vénération dés que la paix publique soit affectée (article 251) et de la même façon l'empêchement, la perturbation et l'outrage des actes de culte (article 252).
L'article 51, nº 3 de la constitution détermine que les partis politiques, "sans préjudice de la philosophie ou de l'idéologie de leur programme, ne peuvent utiliser une dénomination qui contienne des expressions évoquant directement quelque religion ou Église que ce soit, ni des emblèmes susceptibles d'être confondus avec des symboles nationaux ou religieux". La compétence pour admettre l'inscription et pour l'appréciation de la légalité des dénominations, des sigles et des symboles des partis politiques est attribué à la Cour constitutionnelle.
En 1995, la Cour constitutionnelle a été saisie d'une demande d'inscription d'un nouveau parti, dénommé «Parti social-chrétien», dont le symbole était un poisson de couleur blanche sur fond bleu et dont les statuts contenaient le passage suivant: «le Parti social chrétien», d'inspiration chrétienne, a pour but de promouvoir et de défendre (...) la démocratie politique, sociale, économique et culturelle, inspirée par les valeurs de l'Etat de droit et par les principes éthiques, sociaux et démocratiques de la doctrine chrétienne" [4].
La cour, par son arrêt nº 107/95 (Acórdãos cit., 30, pp. 1123 ss.) a décidé, à l'unanimité des voix, que la dénomination et le sigle du parti en question ne respectaient pas l'interdiction constitutionnelle d'utilisation de dénominations et de sigles contenant des expressions liées à quelque religion que ce soit et, en ce qui concerne le symbole, a décidé, avec une seule voix discordante, que celui-ci, dans le contexte en question, ne respectait pas la même interdiction concernant les symboles religieux.
Selon l'arrêt l'interdiction constitutionnelle avait pour but d'empêcher toute atteinte à la bonne foi des citoyens et de garantir des conditions de transparence à leur participation à la vie politique", écartant la possibilité de méprise des religions ou des Églises, en sauvegardant le principe de la non-confessionnalité de l'État et la liberté de conscience. La "doctrine chrétienne" évoquée dans les statuts du parti ne constituait pas un patrimoine idéologique susceptible d'appropriation exclusive par tel ou tel parti.
En ce qui concerne le symbole, la cour, tout en considérant que le poisson ne constitue pas, de nos jours, "le symbole par excellence du christianisme", a toutefois estimé que celui-ci ne manquerait pas, eu égard à la liaison historique aux premiers chrétiens, "d'être compris comme tel en certaines circonstances. Le juge qui a manifesté une opinion dissidente sur ce point a soutenu le point de vue que l'interdiction constitutionnelle en ce qui concerne les symboles avait trait seulement à ceux qui, "à l'heure actuelle, peuvent induire les électeurs en erreur, du fait qu'ils sont utilisés pour identifier des religions ou qu'ils sont indéniablement des images religieuses" (ce qui, dans le cas du christianisme, serait le cas de la croix, du sacré-coeur de Jésus, de la Vierge Marie) [5].
Quoique la question ne soit pas posée au Portugal, il semble, du point de vue constitutionnel et légal, que le port d'insignes religieux n'est pas prohibé, en ce qui concerne les enseignants, les élèves et les fonctionnaires des écoles publiques.
La base VIII de la loi sur la liberté religieuse dispose seulement que «personne ne peut licitement invoquer la liberté religieuse pour la pratique d'actes qui porteraient atteinte à la vie, à l'integrité physique ou la dignité des personnes, aux bonnes moeurs, aux principes fondamentaux de l'ordre constitutionnel ou aux intérêts de la souverainité portugaise».
La non-confessionnalité de l'école publique paraît impliquer sa neutralité en matière religieuse, ce qui suppose aussi qu'elle ne sera pas anti-confessionnelle - la constitution impose la laïcité, mais pas le laïcisme, lequel serait même défendu. Or, la prohibition du port d'insignes religieux se rapporte plus à l'idée de laïcisme qu'à celle de laïcité.
D'ailleurs, les ecclésiastiques peuvent être - et ils le sont fréquemment - enseignants dans les écoles publiques et il n'y a jamais eu aucun obstacle au port de leurs vêtements cléricaux ou insignes religieux.
Le principe de séparation et le caractère non confessionnel de l'État interdit aux établissements publics d'enseignement l'utilisation de signes et de symboles religieux dans leurs installations, notamment dans les salles de cours. Toutefois, on ne peut pas nier qu'en province, dans les petits villages des régions campagnardes, des symboles religieux, surtout le crucifix, continuent à figurer dans les salles de cours de l'enseignement élémentaire.
En outre, pendant les classes de religion et morale des différentes confessions, l'utilisation de salles et équipements publics est assurée. Alors, il est admissible que pendant les classes des signes et des symboles religieux soient utilisés, mais cette utilisation relève exclusivement de la responsabilité de la confession religieuse concernée.
3. La protection des valeurs religieux à l'égard
de la famille
Le Code civil de 1867 (en vigeur jusqu'à 1967) a établi un système de mariage civil facultatif, étant reconnus les effets civils des mariages catholiques, ainsi que la compétence exclusive des tribunaux éclesiastiques pour connaître de la nulité du mariage catholique.
Avec la révolution républicaine du 5.10.1910 la loi du divorce (Decret du 3.11.1910) introduit le divorce et le Decret nº 1 du 25.12.1910 considère le mariage civil seul valable et efficace au regard de la loi civile. La proximité des dates démontre la virulence politique de la question.
Le concordat de 1940 a rétabli le système du mariage civil facultatif, en reconnaissant des effets civils aux mariage canoniques et en attribuant exclusivement aux tribunaux écclésiastiques la compétence pour connaître des affaires sur la publicité du mariage catholique. Le code civil a eté par conséquence modifié par le decret-loi nº 30615 du 25 7 1940 et lorsqu'il a été substitué par le Code civil de 1966 le système concordataire du mariage civil facultatif s'est maintenu. Le mariage civil des personnes mariés avant par le mariage catholique est expressement défendu (article 1589, nº 2 du Code de 1966).
Pendant la période revolutionnaire qui suit la révolution de 1974 le concordat a été modifié (Protocole additionnel du 15.2.1975) seulement à l'égard de l'article XXIV, qui prohibait l'application du divorce aux mariages canoniques, lequel a été substitué par un article qui simplement rappelait les conjoints du grave devoir de ne pas se prévaloir "de la faculté civile de demander le divorce".
Les autres articles du concordat ont été expressement maintenus en vigueur par le Protocole additionnel.
La Constitution de 1976 détermine que "la loi règle les conditions et les effets du mariage et de sa dissolution, par décès ou par divorce, indépendant de sa forme de célébrationion" article 36, nº 2).
La révision qui a été faite du Code Civil pour le mettre d'accord avec la Constitution (Decret-loi nº 496/77) a maintenu le système résultant du concordat modifié. Il y a deux modalités du mariage: le mariage civil et le mariage catholique (article 1587º) Les deux modalités ont les mêmes effets civils (article 1588). La capacité - et les interdits - pour le mariage catholique est réglée par le droit civil (article 1596). L'article XXV du concordat et l'article 1625 du Code civil réservent aux tribunaux ecclésiastiques la connaissance des affaires concernant la nullité du mariage catholique et la dispense en cas de mariage non consommé. L'article 1626, nº 1 du Code civil (avec l'article XXV du concordat) détermine l'efficacité interne immédiate - sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure de l'homologation de l'article 1094 ss. du Code de procédure civil - des décisions de ces tribunaux. L'article 51, § 3 du Code civil permet que deux portugais ou un portugais et un étranger célébrent leur mariage à l'étranger selon la forme catholique, même si le pays étranger ne connaît cette forme de célébration.
La conformité constitutionnelle de ces dispositions est généralement admise, en vue du texte du nº 2 de l'article 36 de la Constitution ("indépendemment de sa forme de célébration") et bien aussi de l'histoire constitutionnelle, une fois que l'assemblée constituante n'a pas mis en cause le concordat modifié. Elle a toutefois été questionnée récemment [6] L'élément historique est important pour déduire de l'autorisation constitutionnelle de plus d'une forme de célébration aussi l'autorisation de plus d'une modalité du mariage.
Le nouveau Projet de loi de liberté religieuse reconnaît des effets civils au mariage célébré par forme religieuse devant le ministre du culte d'une Église ou communauté religieuse établie à demeure dans le pays (article 18). Ce n'est qu'une autre forme de célébration du mariage civil.
4. Les jours fériés
Par suite d'un accord non publié entre l'État et l'Église catholique de 1952, par lequel le Saint-Siège accepte de suprimer certains jours sanctifiés au Portugal et, en contre partie l'État déclare jours fériés nationaux les jours qui restent, 6 jours sanctifiés de l'Église catholique sont en même temps fériés de l'État (Decret nº 38596 du 4.1.1952, article 2): Circonsision (1.1.); Corps de Dieu; Assomption (15.8.); Tous-les-Saints (1.11.); Conception Immaculée (8.12.); Noël (25.12.). Les fonctionnaires publiques sont dispensés la veille de Noël et Jeudi Saint.
Le nouveau Projet de la loi liberté religieuse dispense du travail aussi bien les fonctionnaires et agents de l'État que les travailleurs, à leur demande, les jours de repos et de fetes, determinés par leur réligion, dès qu'ils aient flexibilité d'horaire et qu'il compensent la période de travail respective (article 13).
En application du concordat (arts. XVII, XVIII, XXI) l'État soutient des postes d'aumôniers près des hôpitaux (décret-réglementaire nº 58/80 du 10.10; "portaria" nº 603/82 du 18.6; d'après le décret réglementaire nº 22/90 du 3.8, exceptionnellement au lieu d'un prêtre, peut être nommé "un diacone ou un membre d'institut religieux avec préparation adéquate dans le domaine de la santé" - art. 2, nº 2 -), des établissements tutélaires de mineurs, du Ministère de la Justice (décret-loi nº 345/85 du 23.8), des prisons (décret-loi nº 79/83 du 9.2) et des forces militaires. Le décret-loi nº 93/91 prévoit 41 aumôniers militaires titulaires des forces armées avec divers postes d'officier de l'armée, de la marine, de l'aviation et de l'état-major, dont un évêque avec le poste de brigadier ou contre-amiral, qui est un évêque auxiliaire proposé au chef d'état-major par l'ordinarius castrensis, qui est le cardinal patriarche de Lisbonne pro tempore. Il y aura d'autres aumôniers près des forces de securité (police, garde nationale républicaine).
Il n'y a pas d'aumôniers d'autres confessions. Toutefois, dans le cas des prisons, l'assistance religieuse par les ministres des confessions respectives est assurée aux detenus (art. 192 du décret-loi nº 265/76 du 1/8).
Le nouveau Projet de loi de liberté religieuse doit assurer l'égalité dans ce domaine (articles 12,16).
5. La liberté de conscience et de religion
au regard des pratiques parareligeuses (limites de libre activité des
sectes religieuses)
Selon la base VII, nº 2 de la loi nº 4/71 les activités relationnées avec les phenomènes metapsychiques où parapsychiques ne sont pas considerées religieuses. Cela n'empêcha pas une association spirite (Associação de Beneficiência Fraternidade) d'obtenir le statu d'utilité publique. Le mot secte n'est pas utilisé dans la législation portugaise.
Le nouveau Projet de loi de liberté religieuse ne contient aucune disposition semblable. Elle prevoit l'institution d'une Commission de la Liberté Religieuse, qui aura parmi d'autres la fonction d'étudier l'évolution des mouvements réligieux au Portugal et, en particulier, de rassembler et maintenir actualisée l'information sur nouveaux mouvements religieux, donner l'information nécessaire aux services, institutions et personnes intéressées et publier un rapport annuel sur la matière (article 53, alinea e)). Le rapport explicatif du Projet soulève des objections constitutionnelles et scientifiques contre l'usage du concept de "secte": 1. Le mot "secte", dont l'étime latin secta traduit le grec haeresis, a aujourd'hui un sens négatif (déjà présent dans le Nouveau Testament) de ceux qui suivent une fausse doctrine, ce qui implique un jugement theologique sur la verité de la réligion que l'État laïque ne peut pas faire; 2. une fois que les membres d'une secte ne se considèrent pas comme tels et que les mêmes religions peuvent exister dans un pays comme secte et dans un autre comme religion dominante ou d'État, le concept s'avise peu utile du point de vue de la science sociale; 3. du point juridique le concept est inutilisable, soit pour delimiter la liberté réligieuse dans l'État de droit démocratique, en vue du principe de l'égalité, soit pour déterminer l'action préventive ou répressive de l'État, parce que les mêmes faits qui sont liés au danger social de certains groupes religieux se trouvent aussi dans d'autres groupes qui développent une contre-culture sans caractère religieux en colision avec la culture dominante (groupes neo-nazis, psico groupes, cultes commerciaux).
B - Statut des communautés religieuses
I - Les communautés religieuses et l'État. Modèle général des relations constitutionnelles
1. Les interprétations historiques du principe de séparation de l'État des Églises
Le principe de la séparation de l'État des Églises et autres communautés religieuses est conçu dans la constitution comme un droit fondamental, plus exactement comme l'un des éléments de la liberté de religion. Le nº 3 de l'article 41, tout en disposant que «les Églises et autres communautés religieuses sont séparées de l'État et libres dans leur organisation et dans l'exercice de leurs fonctions et de leur culte» attribue un droit aux Églises et autres communautés religieuses comme, primo, un droit à la séparation, c'est-à-dire spécialement à la non-intervention de l'État dans la sphère religieuse; deuxièmement, un droit à la liberté dans son organisation, c'est-dire, à l'autonomie organisatrice; troisièmement, un droit au libre exercice de ses fonctions et du culte. Le droit à la séparation est, ainsi, l'autre face des droits à l'autonomie et à la liberté de chaque Église ou communauté religieuse, mais il est, en même temps, plus que cela: la séparation est affirmée relativement aux Églises et autres communautés religieuses comme un ensemble, c'est-à-dire, l'État n'est plus seulemente obligé, comme, par exemple, chaque Église ou chaque communauté relativement aux autres, de ne pas intervenir dans les affaires internes de chacune d'elles, il est plus généralement obligé de se maintenir séparé de cette sphère sociale. C'est ce que confirme le nº 2 de l'article 43 dans la partie oú il dispose que «l'État ne peut pas s'arroger le droit de programmer l'éducation et la culture d'après des lignes directrices [...] religieuses» quelconques, ainsi que le nº 3 du même article lorsqu'il dispose que « l'enseignement public ne sera pas confessionnel ». La première de ces dispositions consacre le principe de la neutralité religieuse de l'État dans le domaine de l'éducation et de la culture, qui est un corollaire de l'un des éléments constitutifs ou dimensions du principe de la séparation, le principe de la neutralité religieuse de l'État. La seconde consacre le principe de la non-confessionnalité de l'enseignement public, qui est un corollaire du principe de la séparation, dans toutes ses dimensions, appliqué au domaine de l'enseignement public.
Cette interprétation du principe de la séparation comme droit de l'homme est le résultat d'une évolution historique complexe de la civilisation chrétienne occidentale et de la société portugaise en particulier, une évolution dont il faut absolument avoir conscience pour mesurer la portée des normes constitutionnelles. En effet, une certaine séparation ou indépendance de l'État vis-à-vis l'Église fut toujours reconnue comme caractéristique de la société chrétienne, mais l'idée même de séparation a eu diverses interprétations incompatibles entre elles qui se sont succédé de façon polémique dans l'histoire, l'adaptation de l'une d'elles impliquant le rejet des autres. Voyons d'abord les interprétations que l'on doit considerer comme écartées par la constitution:
§ 1. - L'interprétation théocratiqueDans la bulle Unam sanctam de 1302, qui doit avoir été rédigée par le cardinal de Porto, Mateus de Acquasparta [7], le pape Boniface VIII a prétendu rendre témoignage de la vérité évangélique, déclarant que « le pouvoir spirituel a le pouvoir d'instituer le pouvoir terrestre et de le juger s'il n'est pas bon » et qu'« i1 est absolument nécessaire pour le salut que toute créature humaine soit soumise («subesse») au Pontife romain». Cette doctrine n'est pas atteinte, mais plûtot complétée par l'éclaircissement antérieur donné par Boniface VIII à l'envoyé de Philippe IV de France, la sujétion au pape était due «en vertu du péché» (ratione peccati») et les pouvoirs spirituel et temporel étaient des pouvoirs distincts ordonnés par Dieu [8]. Cependant, Dieu les a ordonnés d'après la Unam sanctam, de façon que l'autorité temporelle soit soumise à la spirituelle («temporalem auctoritatem spirituali subiici potestati», c'est-à-dire, soit exercée non par l'Église mais par l'État «en faveur de l'Église» («pro Ecclesia»), aux ordres du prêtre («ad nutum et patientiam sacerdotis»).
Ce fut déjà cette doctrine, qui fut réaffirmée en 1516 au 5e Concile du Latran [9] . qui a fondé le serment vassalique que les premiers rois du Portugal ont rendu au Pape, et qui, par exemple, Innocent IV (dans la bulle Grandi non immerito, expédiée huit jours après avoir déposé l'empereur Frédéric II de I'Allemagne, dans la dernière session du Concile de Lyon 17 juillet 1254) a appliquée en donnant le gouvernement du royaume au comte de Boulogne, Alphonse, durant la vie de son frère, le roi Sancho II; de nouveau Jean XXI l'a appliquée en désengageant les sujets de l'obéissance au même Alphonse III, en 1277 [10]. D'après cette interprétation théocratique de la séparation, l'Église aurait des pouvoirs souverains sur l'État. La lutte contre le système théocratique. qui lui niait la souveraineté, fut l'un des éléments constitutifs de l'État moderne et de sa conscience politique, sans parler du principe démocratique, clairement opposé à une telle interprétation.
§ 2.- L'interprétation juridictionalisteDans cette conception il y a des pouvoirs souverains de l'État sur l'Église(«iura majestatica circa sacra»), auxquels correspondent en général des privilèges de l'Église dans l'État. Il existe ici une concession mutuelle de droits dans la propre sphère de juridiction: c'est pourquoi il s'agit d'un système typiquement concordataire. bien qu'il y ait des concordats dans les systèmes théocratiques et de séparation. Mais dans le juridictionalisme l'Église sert l'État comme un service public et l'État prête à l'Église le bras séculier, adopte la religion comme religion officielle ou au moins il la reconnaît comme religion nationale.
La mesure de l'intérêt de l'État dans des matières ecclésiastiques et du droit public ecclésiastique a varié dans l'histoire en diverses formes de juridictionalisme, du système constantinien au césaropapisme des empereurs byzantins. carolingiens et germaniques, aux systèmes gallican, régaliste espagnol, josephiniste autrichien et portugais. et autres. de la monarchie absolue, du bonapartisme, de la monarchie libérale aux systèmes concordataires néo-constantiniens de ce siècle [11]. Si nous exceptons la période de domination de la conception théocratique, toujours contestée dès sa première grande affirmation pratique avec la déposition d'Henri IV en 1080, au sommet de la querelle des investitures jusqu'à sa dernière réaffirmation de 1516 à Latran V, les rapports entre l'Église et I'État, chaque fois qu'ils ont été pacifiques, ont suivi l'une ou l'autre conception de juristionalisme, dès l'édit de Milan de 313, date de la première reconnaissance par I'État de la religion chrétienne, jusqu'à la déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse de 1965 du Concile Vatican II.
Le modèle créé par Constantin a été déterminant. Nous savons que Constantin a convoqué le 1er concile oecuménique à Nicée - auquel il eut une intervention décisive pour la rédaction du crédo -, qu'il a traité les évêques comme des magistrats impériaux, qu'il a eu la direction de la discipline du clergé. L'Église, à son tour, a reçu le droit romain comme son drolt, incluant le droit public eccléslastique ainsi créé, selon le modèle païen antérieur formulé par Ulpien: « publicum ius in sacris, in sacerdotes, in magistratibus consistit » (D.I, I, I § 2). L'Église reconnaît à Constantin et à ses successeurs le droit d'intervenir dans le choix des évêques et de sanctionner les désignations pour les charges les plus hautes de l'Église. Bien que l'empereur ne fut pas considéré comme prêtre et ne puisse pas administrer les sacrements, il avait un statut ecclésiastique. A l'exception de l'office des sacrements, il avait tous les autres privilèges d'un évêque, ne l'étant pas. Il était le défenseur de la foi et, à partir de Théodose, aussi de l'orthodoxie, traitant, par conséquence, l'hérésie comme crime public. Ainsi, Justinien décrète que les canons des quatre premiers conciles sont des lois de l'État. Significative est la lettre d'Ambroise de Milan à l'empereur Gratien, contre la reconstruction de l'autel païen de Victoire, réclamé comme de justice par Simaque : « à nul il n'est fait injure, quand contre lui on donne préférence au Dieu omnipotent » [12]. Encore en 1955 Pie Xll a invoqué l'exemple constantinien pour dire que « l'Église ne dissimule pas qu'elle considère en principe cette collaboration (entre l'Église et l'État) comme normale et qu'elle voit comme idéale l'unité du peuple dans la vraie religion et l'unanimité d'action entre elle et l'État » [13].
Plusieurs de ces caractéristiques, quoique modérées, se retrouvent encore, dans l'histoire du droit constitutionnel portugais, lorsque le juridictionalisme a prévalu, durant la monarchie libérale et l' «Estado novo ». Le régime est substantiellement identique sous les trois constitutions monarchistes. La religion catholique est la religion de l'État (constitution de 1822, art. 25, charte constitutionnelle de 1826, art. 6, constitution de 1838, art. 3). Il n'est permis qu'aux seuls étrangers d'appartenir à d'autres religions, mais les maisons destinées à ces cultes ne peuvent pas avoir la forme extérieure d'un temple (constitution de 1822, art. 25, charte constitutionnelle, art. 6). Le roi, l'héritier présomptif (constitution de 1822, art. 126 et 135, charte, art. 76 et 79, constitution de 1838, art. 87 et 89) et les députés (constitution de 1822, art. 78) jurent de maintenir la religion catholique. Propager des doctrines contraires aux dogmes catholiques définis par l'Église et faire du prosélytisme pour une religion différente sont des crimes publics (Code pénal de 1852 1886, art. 130, nº 2 et 3). Il appartient au roi de nommer les évêques (ou de «les présenter», étant donné que la confirmation relève du pape) et de pourvoir aux bénéfices ecclésiastiques (constitution de 1822. art. 123, nº 6, charte, art. 75, § 2, constitution de 1838, art. 82, nº 4) et encore de donner ou de refuser son agrément aux décrets des conciles, lettres apostoliques et toute autre constitution ecclésiastique, l'approbation par les chambres du Parlement, s'ils contiennent des dispositions générales, étant nécessaire (constitution de 1822, art. 123, nº 12, charte, art. 75, & 14, constitution de 1838, art. 81, nº 12). Le patriarche de Lisbonne et les archevêques du continent du royaume sont membres à vie de la chambre des pairs (décret du 30 avril 1826) par droit propre (art. 6, § 2, de l'acte additionnel de 1885; art. 1 du décret du 25 septembre 1895; art. 1 de la charte de loi de 1896; art. 1 de l'acte additionnel de 1907). Les membres du clergé séculier sont payés sur le budget de l'État, par des revenus de collecte obligatoire administrés par les assemblées de paroisse de l'administration locale (dont le président est le curé), par des revenus de la bulle de la croisade, obtenus à travers le paiement de dispenses religieuses et administrés par un comité nommé par le ministre de la Justice, etc. Depuis 1890, les curés ont droit à la retraite. Le clergé a, donc, un statut comparable à celui des fonctionnaires [14]. Ce régime codifie des éléments essentiels du système juridictionnel et concordataire de la monarchie absolue et il est confirmé ou présupposé dans les concordats de 1848 et 1859 et dans d'autres accords avec le Saint-Siège, nommément ceux qui ont résolu les problèmes du schisme eccléslastique survenu par l'exercice concurrent du ius nominandi d'évêques par les deux partis de la guerre civile.
Le concordat de 1940 reprend la tradition jurisdictionaliste. A l'Église est reconnu non seulement le pouvoir d'ordre, lié au culte et à l'administration des sacrements, mais encore le pouvoir de juridiction qu'elle s'arroge (art. II). C'est ainsi que le droit canonique règle les effets juridiques des mariages catholiques auxquels le divorce ne s'applique pas, et que les causes concernant la nullité du mariage catholique et la dispense du mariage ratum et non consummatum sont réservées à la juridiction de l'Église (art. XXIV et XXV). L'État n'a plus le droit traditionnel de l'agrément (beneplacitum) relatif aux communications de l'Église à ses fidèles. L'ancien ius nominandi des évêques est réduit au droit de consultation préalable et à la faculté de faire des objections de caractère politique général avant que le Saint-Siège ne nomme un archevêque, ou évêque résidentiel ou un coadjuteur cum iure successionis (art. X), lesquels - aussi bien que les autres autorités ecclésiastiques avec juridiction dans le pays - devront être portugais (art. IX). Les ecclésiastiques sont encore traités comme des fonctionnaires dans les cas suivants : dans l'exercice de leur ministère, ils ont la protection de l'État dans les mêmes termes que les autorités publiques (art. XI), l'usage de l'habit ecclésiastique ou religieux lorsque il n'est pas permis par l'Église est puni avec les mêmes peines que l'usage abusif de l'uniforme propre d'un fonctionnaire public, les chapelains militaires sont considérés comme des officiers gradués (art. XVIII). Le concordat est encore célébré « au nom de la Sainte Trinité », quoique l'État ne reconnaisse que les « principes de la doctrine et de la morale chrétiennes, traditionnelles au Pays », par lesquelles il s'oblige à orienter « l'enseignement administré par l'État dans les écoles publiques ». «En conséquence», l'État garantit que dans les écoles publiques élémentaires, complémentaires et moyennes, sauf demande d'exemption, soit dispensé l'enseignement de la religion et la morale catholique par des professeurs nommés par l'État en accord avec l'Église. Il en va de même en ce qui concerne l'enseignement de la religion catholique dans les asiles, orphelinats, établissements et instituts officiels d'éducation de mineurs et de correction ou réforme dépendants de l'État, mais là est aussi « assurée la pratique des commandements » de la religion (art. XXI). Des régimes spéciaux d'exemption d'impôts (art. VIII). de prestation du service militare (art. XIV) et d'incompatibilités relatives à l'état ecclésiastique (art. XIII) sont établis.
Il faut noter que déjà en 1935 (loi nº 1910) on avait éliminé du § 3 de l'art 43 de la Constitution de 1933 la phrase «l'enseignement administré par l'État est indépendant de tout culte religieux, qu'il ne doit, pas cependant, traiter hostilement», et l'on avait ajouté que les vertus morales envisagées par l'enseignement administré par l'État étaient «orientées par les principes de la doctrine et morale chrétiennes, traditionnelles du pays». Dans la révision constitutionnelle de 1951 (loi nº 2048) sont remplacés, conformément au concordat, les articles 45 et 46 de 1933, qui s'occupaient sans discrimination des relations de l'État avec l'Église catholique et avec les autres cultes, tout en maintenant le régime de séparation, par le nouvel article 45, ne concernant que l'Église catholique considérée maintenant comme «religion de la Nation portugaise» ( «dans laquelle réside la souveraineté » art. 7 - et qui «constitue un État» - art. 4) et par l'article 46, sur les «autres confessions religieuses». Quoique le nouvel article 45 dise toujours que l'État maintient en relation à l'Église catholique le régime de séparation, il ne s'agissait que de cette séparation implicite dans le juridictionalisme, déjà dans son début constantinien, qui a maintenu les cultes païens. D'ailleurs, la deuxième partie de l'article, en ajoutant à l'antérieure référence au régime de séparation la qualification «avec des concordats... oú sont réglées des matières d'intérêt commun » en a changé le sens. Finalement, la révision de 1971 (loi nº 3/71) a considéré l'État responsable devant Dieu (art. 45) et la religion antériéure de la nation est devenue la «religion traditionnelle de la Nation portugaise» (art. 46).
La conception juridictionaliste, dans la forme qui a prévalu dans la doctrine catholique à partir de la contre-réforme et que, par exemple, Belarmino a classiquement défendue et Léon XIII a instamment répétée, s'est basée sur les doctrines de l'Église comme société parfaite, pouvant se servir des moyens nécessaires, même coercitifs, pour atteindre ses fins, et détentrice de la potestas indirecte de son pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel de l'État. Les deux doctrines violent de front le principe de la souveraineté de l'État, qui détient le monopole de la force, ne reconnaissant pas de pouvoir supérieur, et la deuxième viole aussi le principe démocratique [15]. Il est certain que l'idée d'un concordat, comme forme d'autolimitation de l'État, permet d'écarter formellement ces objections. Toutefois une telle autolimitation ne se trouve pas, comme nous verrons, dans la logique de l'État de droit, qui est, d'ailleurs, la conception d'État du Concile Vatican II, lequel a lui aussi abandonné les doctrines de l'Église comme société parfaite et détentrice d'un pouvoir indirect sur les choses temporelles.
§3.- L'interprétation séparatiste
Le principe constitutionnel de la séparation entre l'État et l'Église apparaît historiquement lié à la liberté de religion comme droit de l'homme dans la tradition constitutionnelle américaine. La déclaration des droits de Virginie de 1776 établit que «la religion ou l'obligation que nous devons à notre Créateur et la façon de l'accomplir ne peut être dirigée que par la raison et par la conviction, pas par la force ou la violence et pour cela tous les hommes jouissent du même droit au libre exercice de la religion, d'accord avec les exigences de la conscience » et le premier article de l'amendement (de 1791) à la constitution des États-Unis dispose que « le Congrès ne pourra pas légiférer à l'égard de l'établissement d'une religion, ou en interdire le libre exercice », ce que l'on entend comme un droit civil à respecter par les États membres, au sens de l'article 14 de l'amendement.
Or, les doctrines des droits de l'homme en général, de la liberté de conscience et de religion et de la séparation de l'État des Églises ont été constamment condamnées par l'Église catholique durant le XIX siècle et une partie du XX siècle. Ce ne fut qu'avec la Pacem in terris (l963), de Jean XXIII - sans parler d'une occasionnelle évocation des «droits inaliénables, donnés par Dieu, qui sont antérieurs à l'État et que l'État ne peut pas violer sans porter préjudice à sa propre existence», faite par Pie XII, le 15 décembre 1944, dans l'allocution «When His Excellency» à la commission militaire du Congrès américain [16] -, que furent accuellis les droits de l'homme et seulement avec Dignitatis humanae (1965), à Vatican II, la liberté religieuse. L'expression la plus célèbre de la condamnation est peut-être le Syllabus (l864), de Pie IX, oú, entre autres, sont considérées comme fausses les thèses suivantes : « que I'Église doive être séparée de l'État et l'État de l'Église» (55); «dans notre époque il n'est plus concevable que la religion catholique ait le statut de religion unique de l'État, en excluant tous les autres cultes» (77); «C'est pourquoi louablement on prend des mesures par la loi dans certaines régions de dénomination catholique, pour qu'il soit permis aux hommes immigrés d'exercer publiquement le culte propre de chacun d'eux» (78). De la même façon est condamnée la non-confessionnalité de l'enseignement public (45, 47). Le Syllabus a été publié en annexe à l'encyclique Quanta Cura, oú l'on faisait ressortir l'erreur fondamentale : «cette opinion erronée, la plus fatale pour l'Église catholique et le salut des âmes, à savoir: que la liberté de conscience et de cultes est un droit propre de l' homme». La liberté de conscience et d'opinion, qui avait déjà été condamnée par Grégoire XVI dans l'encyclique Mirari vos arbitramur de 1832 [17], le sera de nouveau, aussi bien que la liberté de religion par Léon XIII, dans Libertas prestantissimum en 1880, lequel devrait répéter la réprobation de la séparation entre l'État et l'Église dans l'Immortale Dei, en 1885 [18] (12).
Dans ce contexte, ce fut presque dans un climat de guerre religieuse que la séparation de l'Église et de l'État fut décrétée en 1905 en France - les constitutions de 1946 (article 1) et de 1958 (article 2) déclarent que la France est une république «laïque» et que l'enseignement public et « laïque » (préambule de la constitution de 1946, auquel se rapporte le préambule de celle de 1958) - et en 1911 au Portugal (Loi de la séparation de l'État des Églises du 20 avrll 1911). Les nºs 8 et 9, sur la liberté du culte public de toute religion, et 10, sur la neutralité de l'enseignement public, de l'article 3 de la constitution de 1911 présupposent, mais ne consacrent pas expressément, la séparation. qui ne sera expressément formulée que dans l'article 46 de la constitution de 1933. Le caractère odieux de la Loi de séparation se révélait. par exemple, dans son article 181, lequel maintenait unilatéralement, violant la liberté religieuse et d'expression, le beneplacitum dans une interprétation extensive à la publication des déterminations des prélats eux-mêmes et d'autres autorités ecclésiastiques nationales. La loi de séparation fut immédiatement condamnée par l'encyclique Jamdudum in Lusitania (1911) de Pie X. La constitution de 1911 elle-même violait directement la liberté religieuse, en interdisant la Compagnie de Jésus et toutes les autres congrégations religieuses et ordres monastiques (nº12 de l'article 3).
Le régime de séparation ne fut introduit de nouveau - malgré la trompeuse identité verbale - qu'avec la constitution de 1976. Mais cette fois pas dans un climat de guerre, mais de consensus. Le fait s'explique, en grande partie, par le changement radical, produit en 1965, par la déclaration Dignitatis humanae, du Concile Vatican II, sur la liberté religieuse. L'histoire du Concile montre que l'on a commencé par écarter un schéma qu' partait de l'État catholique comme thèse (selon la conception de Léon XIII), et dans lequel la séparation était considérée comme hypothèse «malheureuse», mais tolérée (conformément au discours « Ci riesce» de Pie Xll de 1953 sur la tolérance, selon lequel : «Primo, ce qui ne correspond pas à la vérité et à la norme morale n'a objectivement aucun droit ni à l'existence, ni à la propagande, ni à l'action. Deuxièmement, ne pas empêcher cet état de fait par le moyen des lois de l'État et des dispositions coercitives peut, cependant se justifier par l'intérêt d'un bien supérieur et plus universal» [19]), pour finir par opter pour un schéma qui présuppose clairement la séparation [20]. La déclaration s'appuie directement sur la doctrine du Christ et des apôtres, reconnaissant que « dans la vie du Peuple de Dieu (... ) il y a eu parfois des manières d'agir moins conformes voire contraires à l'esprit de l'Evangile ». Tout de même «l'Église a toujours maintenu la doctrine que personne ne peut être contraint à la foi. Ainsi le ferment évangélique a agi longtemps dans l'esprit des hommes et il a beaucoup contribué à faire reconnaître plus largement aux hommes, au cours des siècles, la dignité de la personne, et à faire múrir la conviction qu'en matière religieuse la personne doit, dans la cité, être exempte de toute contrainte humaine que ce soit » (nº 12). On établit la distinction entre l'obligation morale de «chercher la vérité, celle avant tout qui concerne la religion et d'adhérer à la vérité, une fois qu'elle est connue, et d'organiser toute sa vie en fonction des exigences de la vérité» du plan jurldlque de l'«exemption de contrainte dans la société civile» (nº 1), sans laquelle «les hommes ne peuvent satisfaire à cette obligation d'une manière conforme à leur propre nature» (nº 2). Le droit à la liberté religieuse, qui est reconnu en toutes les dimensions, «a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine, telle qu'elle est connue par la parole de Dieu révélée et par la raison elle-même. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse doit être reconnu dans l'ordre juridique de la société de telle façon qu'il constitue un droit civil», qui « persiste même pour ceux qui ne satisfont pas à l'obligation de chercher la vérité et d'y adhérer: son exercice ne peut pas être entravé, aussi longtemps qu'est sauvegardé un ordre public juste» (ibid.). La possibilité de concordats semble être implicite, étant donné que la déclaration admet des régimes spéciaux, mais sans discrimination: «Si, en raison des circonstances particulières propres à certains peuples, une reconnaissance civile spéciale dans l'ordre juridique de la cité est accordée à une seule communauté religieuse, il est nécessaire que le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et sauvegardé en même temps pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses. Enfin, le pouvoir civil doit pourvoir à ce que l'égalité juridique des citoyens ne soit jamais lésée, de manière ouverte ou occulte, par des raisons religieuses, et qu'aucune discrimination ne soit faite entre citoyens» (nº 6) [21].
Quant à l'éducation religieuse dans les écoles, la déclaration dit: les parents «ont le droit de déterminer la forme de l'éducation religieuse à donner à leurs enfants, conformément à leur propre conviction religieuse. C'est pourquoi le pouvoir civil doit reconnaître le droit des parents de choisir dans une vraie liberté des écoles ou les autres moyens d'éducation et ce n'est pas en raison de cette liberté de choix que, directement ou indirectement, d'injustes charges doivent être imposées à ces parents. En outre, les droits des parents sont violés lorsque les enfants sont forcés de suivre des cours qui ne correspondent pas à la conviction religleuse des parents, ou qu'est imposée une forme unique d'éducation d'oú la formation religieuse est absolument exclue» (nº 5). A la lumière de ce passage s'éclaire la doctrine suivante du concile dans la déclaration Gravissimum educationis, sur l'éducation chrétienne (l965): l'Église «felicite les autorités et les sociétés civiles qui, tenant compte du caractère pluraliste de la soclété d'aujourd'hui et se montrant soucieuses d'une juste liberté religieuse, aident les familles pour que soit donnée à leurs enfants, dans toutes les écoles, une éducation conforme aux principes moraux et religieux propres à ces familles» (nº 7) [22].
La première conclusion à tirer ne peut être qu'à partir du 7 décembre 1965, date de la promulgation de Dignitatis humanae, le régime juridictionaliste établi par le Concordat de 1940 a cessé d'être conforme à la doctrine de l'Église catholique. Par conséquence, aussi le protocole additionnel du 15 février 1975, sanctionné pour ratification par l'article unique du décret-loi nº187/75, du 4 avril, en changeant l'article XXIV du concordat, qui précise que la généralisation de la faculté civile de requérir le divorce pour tous les citoyens, y compris les catholiques, ne change pas l'obligation religieuse et morale de ceux-ci, d'après l'Église, de ne pas mettre en oeuvre une telle faculté, n'est plus qu'une application de la doctrine conciliaire disant qu'il nest pas permis à l'État d'imposer coercitivement une pratique religieuse. Avec cela on n'ignore pas qu'une telle pratique correspond, d'après l'Église, à une obligation morale de toutes les personnes concernées, aussi bien des fidèles que des incroyants. Mais lorsque le jugement moral de l'Église n'est pas partagé à travers la loi par la majorité de la population dans l'État démocratique, l'Église, selon le concile, «ne met pas son espoir dans les privilèges offerts par l'autorité civile» : alors il doit lui être permis de porter son jugement moral, même sur des affaires qui regardent l'ordre politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l'exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui s'accordent avec l'Evangile et le bien commun, selon la diversité des temps et des situations» (Lumen gentium,nº' 76). «Car la force que l'Église est capable d'insuffler à la société humaine d'aujourd'hul réside dans cette foi et dans cette charité, amenées à se traduire en actes de la vie et non pas dans quelque domination extérieure qui s'exercerait par des moyens purement humains», (ibid., nº 42) [23]. Il est aussi clair que la confirmation, par l'article II du protocole additionnel de 1975 au concordat, des dispositions restantes du concordat, était anachronique et s'expliquait par des raisons d'opportunité.
La deuxième conclusion est que la constitution de 1976, en consacrant la liberté religieuse et la séparation entre l'État et l'Église, a mis le droit portugais en accord avec la doctrine catholique, de facon que le consensus qui a caractérisé le vote des articles 41 et 43 s'explique logiquement par la cohérence objective des députés catholiques qui les ont votés conformément à la doctrine de l'Église. Il ne s'agissait donc pas d'un retour à 1911, ce qui a des conséquences au niveau de l'interprétation. On ne prétend pas maintenant que «la République ne reconnaît, n'appuie, ne subventionne aucun culte » (article 4 de la loi de la séparation): sans aucune reconnaissance, les Églises et les communautés religieuses ne peuvent pas exercer les droits collectifs qui leur sont attribués dans l'article 41, et l'État doit subventionner la société pour l'enseignement et la culture, y compris la religion. Nous aurons donc finalement une certaine «concorde», mais pas la concorde de l'État catholique, souhaitée par l'Église avant le concile. Dans les mots de Dignitatis humana: « Il règne donc un accord entre la liberté de l'Église et cette liberté religieuse qui doit être reconnue comme un droit pour tous les hommes et toutes les communautés et qui doit être sanctionnée dans l'ordre juridique» [24].
La troisième conclusion à tirer est que toutes les dispositions du concordat de 1940 qui établissaient des privilèges de l'Église catholique ou des droits in sacra de l'État ont été révoquées par la constitution. L'Église catholique ne cesse pas d'être une entité de droit international, compétente pour conclure des concordats et autres accords avec l'État sur des matières d'intérêt commun. Mais de tels concordats et accords doivent respecter les principes de la liberté religieuse, de la séparation et de l'égalité. Ce sont des façons de concrétiser la liberté religieuse qui, par la force du principe de l'égalité, immédiatement applicable, peuvent s'étendre à d'autres Églises et communautés religieuses qui veulent s'en prévaloir.
2.Le contenu du principe de la séparation et les droits de l'homme
Nous avons vu que la constitution de 1976 a consacré la liberté de religion avec tous ses éléments soit en tant que liberté individuelle soit en tant que liberté collective des Églises et des communautés religieuses (article 41, nºs 4 et 5; voir aussi le nº 16 du Document conclusif de la réunion de Vienne 1986des États participants dans la Conférence sur la securité et la coopération en Europe, du 19.1.1989).
Ces droits collectifs de liberté religieuse des Églises et communautés religieuses ont été sisthematisés dans le nouveau Projet de loi (article 21 et 22). Les Églises et autres communautés religieuses peuvent s'organiser librement et disposer avec autonomie sur:
a) la formation, la composition, la compétence et le fontionnement de ses organes;
b) la désignation, les fonctions et les pouvoirs de ses représentants, ministres, missionaires et aides religieux;
c) les droits et les devoirs religieux des croyants, tout en sauvegardant la liberté religieuse de chacun d'eux;
d) l'adhésion ou la participation dans la fondation de fédérations ou associations interconfessionalles, avec siège au pays ou à l'étranger.
Des clauses de sauvegarde de l'identité religieuse et du caractère spécifique de la confession sont permises.
Les Églises et autres communautés réligieuses sont aussi libres dans l'exercice de ses fonctions et de cultes, pouvant, notamment, sans interference de l'État ou de tiers:
a) exercer les actes de culte privé ou public, avec respect des exigeances de police et du trafique;
b) établir des lieux de culte et de reunion pour des fins religieuses;
c) enseigner sous la forme et par des personnes qu'elles autorisent la doctrine de leur confession;
d) propager leur confession et procurer pour elle de nouveaus croyants;
e) assister religieusement leurs membres;
f) communiquer et publier des actes en matière religieuse et du culte;
g) entretenir des relations et communiquer avec les organisations de la même ou d'autres confessions en territoire national et à l'étranger;
h) former leurs ministres du culte;
i) fonder des seminaires et d'autres établissements de formation et de culture religieuse.
Selon cette interprétation, la liberté religieuse contient en soi tous les éléments constitutifs du régime de séparation qui est garanti par la constitution et implique les deux éléments constitutifs de la séparation elle-même : la séparation personnelle et organisatrice de l'État des Églises et des autres communautés religieuses qui est impliquée par la liberté d'organisation autonome de celles-ci, exempte de tout pouvoir de l'État dans cette sphère (nº 3 de l'art. 41), et la neutralité religieuse de l'État, spécialement consacrée dans le nº 2 de l'article 43, comme neutralité d'orientation philosophique, esthétique, politique, idéologique ou religieuse dans les programmes éducatifs et culturels. Nous aurons donc deux principes contenus dans celui de la séparation: le principe de la séparation personnelle et le principe de la neutralité.
Le principe de la séparation personnelle de l'État des Églises et des autres communautés religieuses est l'élément le plus évident du principe de séparation, comme dit Krüger :
«Il vise en premier lieu toutes les liaisons entre les organisations de l'État et de l'Église, s'opposant donc à des phénomènes comme le régime eccléslastique du monarque (dans les États luthériens allemands, le monarque était, en union personnelle, l'évêque supérieur de l'Église de l'État), l'union d'offices ecclésiastiques et scolaires ou inversement, la qualité de membre d'institutions de l'État comme, par exemple, de la première chambre, par dignités spirituelles en raison de son office. D'une telle séparation organisatrice il découle que ni l'État relativement à l'Église, ni l'Église relativement à l'État ne peuvent collaborer ou se prononcer dans l'ordre de l'organisation ou dans la désignation pour les offices.» [25]
Le principe de la séparation personnelle implique spécialement la prohibition de représentation double de l'État ou du peuple, d'un côté, et de l'Église, de la communauté religieuse ou de Dieu, de l'autre, dans l'exercice de la même fonction. On prétend exclure des situations comme celle de la monarchie libérale, dans laquelle, par exemple, les évêques étaient. par droit propre, pairs de la chambre haute, et les curés étaient les présidents de la commission de la paroisse. La différence de rôles ou de fonctions qui existe aussi dans les régimes de religion de l'État ne suffit pas : l'évêque ou le curé n'administre pas des sacrements au nom de l'État et il ne vote pas à la chambre ni préside à la commission au nom de l'Église. La différence de fonctions implique une différence de la représentation propre à chaque cas. Ce qui est interdit c'est que l'évêque, par droit propre, délibère à la chambre haute ou le curé, en cette qualité, preside à la commission de la paroisse. Il n'est pas défendu par contre que la même personne accumule des fonctions diverses: le curé peut être député, mais pas comme curé. surtout il doit pouvoir se distinguer publiquement s'il agit au nom de l'Etat ou de l'Église. C'est pourquoi sont déclarés inéligibles l'évêque dans son diocèse et le curé dans sa paroisse . Outre le conditionnement psychologique, on prétendait même dans la monarchie garantir de cette façon la séparation des deux institutions au Parlement [26].
On a l'intention d'éviter la confusion publique, qui consisterait à ne pas savoir s'ils parlaient au nom de l'État ou au nom de l'Église. La constitution n'excepte pas ce principe, en admettant, au nº 2, in fine, de l'article 36, la forme canonique du mariage, car le curé qui represente l'Église lors d'un mariage ne represente pas l'État comme fonctionnaire ou agent de l'État civil : il pratique certains actes d'enregistrement comme curé. Mais il y a dans ce cas une confusion publique, parce qu' il n'est pas publiquement reconnaissable qu'il n'agisse pas également dans la qualité d'agent de l'État, et pour cela la constitution fait au nº 2 de l'article 36 une exception à la portée du principe de la séparation personnelle. Mais dans ce cas l'exception est justifiée, car on ne peut pas garantir autrement la liberté de mariage religieux en tant que manifestation de l'exercice de la religion. Dans le sens opposé, le principe de la séparation personnelle et d'organisation défend, par exemple, que le gouvernement de l'État intervienne dans la fonction ecclésiastique du choix des évêques, même par consultation ou par veto politique indicatif (l'article X du concordat viole donc la constitution).
Le principe de la neutralité de l'État signifie sa «non-identification» (Krüger) religieuse et idéologique-normative (et avec des États avec plusieurs nations sa non-identification nationaliste, sous peine de « balkanisation»). C'est une conséquence de la généralité de la loi et de l'État et du principe de l'égalité. Le principe de la non-confessionnalité de l'enseignement public est un corollaire du principe de séparation dans ses deux dimensions.
La cour constitutionnelle s'est divisée sur l'interpretation de ce principe dans l'arrêt nº 174/93 (Acórdãos cit., 24, pp. 17 ss.). Cet arrêt sera discuté a propos de l'enseignement religieux.
3. Les concordats et les accords entre l'État et les différents Églises ou communautés religieuses
Le Portugal a conclu plusieurs accords avec le Saint-Siège [27] - juridiquement des concordats - mais seulement "les normes figurant dans les conventions internationales regulièrement ratifiés ou approuvées seront en vigueur dans l'ordre interne dès leur publication officielle, et aussi lontemps qu'elles engagent internationalement l'État portugais" (article 8, nº 2 de la constitution). C'est seulement le cas du concordat de 1940, de l'Accord missionaire annexé au même concordat et du Protocole additionnel de 1975.
Le nouveau Projet de loi de liberté religieuse prévoit des accords avec d'autres Églises ou communautés religieuses qui auront force de loi a travers la loi qui les approuve (articles 44 à 49).
4. Le principe de l'égalité des religions
Le principe de l'égalité est exprimé dans la constitution portugaise d'une façon positive, comme l'égalité devant la loi (article 13,nº1), et d'une façon négative, comme prohibition de discrimination, soit positive soit négative, en raison de réligion, entre autres causes de discrimination également défendues (article 13, nº 2). La discrimination négative à cause de la réligion est à nouveau prohibée à l'article 41, nº2.
Une fois que la constitution reconnaît des droits collectifs fondamentaux aux Églises et aux autres communautés réligieuses (article 41, nºs 4 et 5; l'article 12, nº2 dit que "les personnes juridiques ont les droits et sont soumises aux devoirs compatibles avec leur nature"), il faut bien admettre que le principe de l'égalité vaut aussi pour les Églises et communautés réligieuses.
II. La liberté de la création et de l'activité des communautés réligieuses
1. Le système actuel
L'Église catholique est reconnue par l'article 1 du concordat comme personne juridique de droit international. Selon le concordat un évêque dans sa diocèse peut créer des personnes juridiques reconnues par le droit étatique par la simple communication de l'acte de créaction et des status aux registre national des personnes juridiques. De cette façon on a plus de 6.000 personnes juridiques de l'Église catholique.
La loi nº 4/71 du 21.8 distinguait entre confessions religieuses et associations ou instituts religieux.. Puisque les associations et instituts ne pouvaient être constitués personnes juridiques qu'à travers les confessions respectives (base XII), étant donné qu' aucune confession n'a réussi à se constituer conformément a la loi nº 4/71, cette loi ne fut jamais appliquée dans ce domaine. Cette situation a changé depuis que le Décret-Loi nº 594/74 du 7.11, suivi par le Décrét-Loi nº 497/77 du 5.11, de révision du Code Civil, a libéralisé la constitution d'associations, sans exepter les religieuses, qui acquièrent dès lors la personalité juridique par le dépôt de l'acte de constitution et du statut, dûment publiés: le Ministre de la Justice a la compétence d'autoriser les associations internationales et d'enregistrer les associations religieuses. Le but d'exercer ou soutenir le culte n'est pas essentiel, d'autres fins religieux sont suffisantes. Les associations fédératives des Églises protestantes - l'AEP et la COPIC - sont des associations non cultuelles. Il reste que le régime général des associations prévues par le Code Civil, avec assemblée générale, un organe collégial d'administration et un conseil fiscal, s'adapte mal à la structure plutôt communautaire des Églises et communautés religieuses dont l'autonomie d'organisation est garantie par l'art. 41 nº 4 de la constitution. Par se biais on avait 459 associations de droit civil avec fins religieux registrés dans le Ministère de la Justice en Mars 1998.
La notion de confession reste importante et la doctrine la lie à l'existence d'un corps de doctrine qui rassemble une communauté. Tandis que pour certains effets les Églises synodales (l'Église presbytérienne et l'Église méthodiste) et épiscopales (l'Église lusitane) sont des confessions, pour l'effet d'organiser l'enseignement religieux elles se présentent devant l'État comme une seule confession.
2. Le système du Projet de 1999
Le Projet prévoit quatre situations possibles, en fontion de la réalité sociale et de la volonté des personnes.
Un groupe de personnes peut s'associer et réunir avec des fins religieux (article 7, alinea f)), sans qu'il aie besoin de personalité juridique pour jouir des droits collectifs fondamentaux de liberté religieuse (articles 21 et 22). C'est la première situation possible.
Toutes les personnes juridiques avec des fins religieuses, qui ne sont pas catholiques, ont aujourd'hui le statu d'associations de droit privé. Elles ont tous les droits collectifs de liberté religieuse des groupes de personnes de la première situation et encore ceux qui dépendent pour son exercice de la personnalité juridique. Elles n'ont pas droit à la reconnaissance publique, donc automatique, de ces droits et pourront avoir besoin de faire preuve de sa nature religieuse pour pouvoir les exercer en face de tiers. Cette possibilité se maintiendra dans le futur aussi bien pour les associations religieuses actuelles qui ne veulent pas changer de statut, que pour tout nouveau groupe de personnes qui le souhaite.
Les Églises ou communautés religieuses qui démontrent leur existence au Portugal, c'est à dire,une présence sociale organisée et une pratique religieuse dans le pays, et encore leur doctrine et leur organisation personnelle et patrimoniale peuvent s'enregistrer comme personnes juridiques religieuses et obtenir l'enregistrement de leurs instituts ou organisations religieuses et fédérations (articles 32 à 35). Elles ont alors le droit à la reconnaissance publiques de leurs droits collectifs de liberté religieuse.
Finalement les Églises ou communautés religieuses enregistrées qui présentent une garantie de durée par le nombre de leurs croyants et par le fait d'avoir plus de 30 ans d'existence organisée dans le pays - ou moins s'il s'agit d'une Église ou communauté religieuse fondée il y a plus de 60 ans - peuvent être considerées établies à demeure dans le pays (article 36). Ce statut permet d'acceder à des formes de collaboration avec l'État qui ne découlent pas de la liberté religieuse mais qui sont compatibles avec elle et qui deviennent une exigence constitutionnelle par le principe de l'égalité, en vue du statut juridique de l'Église catholique. Ce sont là la célébration des mariages civils avec une forme religieuse (article 18), de la collaboration dans des organes de conseil ou de gestion du secteur (Commission du temps d'émission des confessions religieuses - article 24, nº 3 et Commission de la liberté religieuse - article 55, nº 1, alinea b)-), de la conclusion d'accords avec l'État (article 44º) et de la consignation de 0,5% de l'impôt sur le revenu - calculée en fonction des bénéfices fiscaux de l'Église catholique. L'idée c'est que l'État neûtre ne doit pas interférer dans la concurrence des confessions, en aidant à l'établissement dans le pays par le biais de l'admission à coopérer avec lui même. C'est la quatrième situation.
III - La coopération de l'État
et des communautés religieuses
La liberté d'organisation autonome des Églises et communautés religieuses (article 41, nº 3 de la constitution) implique l'exemption de tout pouvoir de l'État dans cette sphère et donc la séparation personelle. La neutralité d'orientation philosophique, esthétique, politique, ideologique ou religieuse dans les programmes éducatifs et culturels de l'État (article 43, nº 2) n'est qu'un aspect de la plus générale neutralité ou non-confessionalité de l'État. Ces deux principes de la séparation personnelle et la neutralité sont inclus dans le principe de séparation.
Cela n'exclu pas que l'État aie la fonction de garantir et de favoriser l'effectivation des droits fondamentaux, dont la liberté religieuse aussi bien individuelle que collective (article 9 alineas b) et d) de la constitution).
Les droits individuels et collectifs à l'assistance religieuse dans les établissements publiques ou dans l'armée ne peuvent s'effectuer sans la coopération avec l'État. Aussi le droit des parents d'éduquer leurs enfants en conformité avec leurs convictions religieuses et celui des Églises et des communautés religieuses d'enseigner leur croyance ne peut parfois s'exercer à l'égard des élèves des écoles publiques sans coopération de l'État. De même les droits de manifestation et d'exercice publique du culte - de réaliser une procession sur la voie publique, par exemple.
L'aide financière et notamment fiscale de l'État n'est pas défendue mais elle doit tenir compte des princips de la neutralité religieuse de l'État et de l'égalité. De ce dernier point de vue il faudra que les activités avec des fins non religieuses des Églises et des communautés religieuses soient soumises au statut juridique et en particulier fiscal de ce genre d'activités. Cela pressupose une classification juridique des fins religieux - notamment l'exercice du culte et des rites, la cure des âmes, la formation des ministres du culte, le travail missionaire et de diffusion de la confession, l'enseignement de la religion - et de ceux qui ne le sont pas - notamment l'assistance et la charité, l'éducation et la culture, en plus du commerce et du profit -, indépendemment du fait qu'ils soient considerés comme religieux par la confession. Ces distinction fondamentale est déjà statuée dans le Concordat et la loi nº 4/71 (pour le caractère non religieux des fins d'assistance et de charité et pour les écoles privées de l'Église) et elle reçoit une formulation plus générale dans le Projet de 1999 (suivant le Concordat italien du 18.2.1984, nº 7, alinea 3) et le disegno di legge italien de 1997, articles 23 et 24). Le concordat de 1940 n'est pas entièrement coherent avec cette doctrine en matière fiscale et donc le Projet de 1999 a du choisir entre cohérence et égalité. Le Projet a choisi la cohérence (articles 30,31), en attendant la révision du Concordat pour arriver à l'égalité.
D'autre part le système de coopération étendu avec l'Église catholique établi par le Concordat de 1940 n'est contraire à la constitution qu'en raison de certains contenus et de l'inégalité avec les autres Églises et communautés religieuses, mais la possibilité même de concordats avec l'Église catholique et d'accords avec les autres Églises ou communautés religieuses n'est pas contraire à la Constitution.
Le nouveau Projet de loi de liberté religieuse étend les formes speciales de coopération avec l'Église catholique à toutes les Églises établies à demeure ("enraizadas") dans le pays.
IV - Les communautés religieuses, l'enseignement et l'instruction religieuse
Selon l'article 75 de la constitution "l'État créera un réseau d'établissements officiels d'enseignements couvrant tous les besoins de toute la population. L'état reconnaît et surveille l'enseignement privé et coopératif, conformément à la loi".
L'école publique ne peut pas être d'inspiration religieuse. L'article 43, nº 2, de la Constitution dispose que «l'État ne peut s'arroger le droit de detérminer l'éducation et la culture selon des lignes directrices philosophiques, esthétiques, politiques, idéologiques ou religieuses». Et le nº 3 du même article dispose que «l'enseignement public ne sera pas confessionnel».
La base VII de la loi sur la liberté religieuse (loi nº 4/71, du 21 août 1971) contient dans son premier nº une règle selon laquelle «l'enseignement dispensé par l'État sera orienté par les principes de la doctrine et de la morale chrétiennes, traditionnelles dans le pays». Cette règle s'inspirait du nº 3 de l'article 43 de la Constitution de 1933, dans la version résultant de la dernière révision constitutionnelle de 1971 qui, à son tour, reprenait l'article XXI du Concordat. Cependant, la soumission de l'enseignement public aux principes de la doctrine et de la morale chrétiennes est devenue contraire à la Constitution de 1976 et toute la doctrine constitutionnaliste s'accorde pour considérer inconstitutionnelles les dispositions de la loi, comme les dispositions du Concordat en la matière.
L'école publique est ainsi nécessairement non confessionnelle, raison pour laquelle il ne peut pas y avoir d'écoles publiques religieuses.
Pourtant, face à la jurisprudence constitutionnelle, les principes de séparation et du caractère non confessionnel de l'enseignement public ont toujours reçu une lecture très flexible, qui a été retenue par le législateur ordinaire.
En ce qui concerne la confession catholique, l'enseignement de l'éducation morale et religieuse catholique, déjà prévu à l'article XXI du Concordat, intègre le programme régulier de l'école, quoique ce programme ne relève pas le la responsabilité de l'État, mais de l'Église (décret-loi nº 323/83, du 5.7.1983, et ses règlements).
Seule l'Église catholique a des écoles confessionnelles au niveau primaire, secondaire et supérieur. L'Église catholique a des séminaires pour la formation des ministres de culte. Les cours de l'enseignement préparatoire et secondaire des séminaires catholiques sont équivalants à ceux des écoles publiques (décret-loi nº 293/86 du 12.9). Aussi le service des professeurs de l'État dans les séminaires est équiparé au travail dans un établissement publique, par rapport au temps de service et à la progression de la carrière, les concours, la réforme, etc. (décret-loi nº 398/88 du 8.11). L'Université catholique a des Facultés de Philosophie (à Braga et à Lisbonne) et de Théologie (à Lisbonne). Les facultés en tant qu'établissements de formation ou de haute-culture religieuse ne sont pas contrôlées par l'État tandis que les facultés et instituts analogues à ceux de l'État étaient soumis au contrôle de l'État en tant qu'enseignement particulier, soumis au droit commun (art. XX du concordat et art. 3 et 4 du décret-loi nº 307/71 du 15.7) qui a reconnu et défini le statut de l'Université catholique). Il est remarquable que le décret-loi nº 128/90 du 17.4 a attribué à l'université plus de privilèges que ceux prévus dans le concordat. Maintenant aussi les facultés et instituts analogues à ceux de l'État ont une complète autonomie, n'étant plus soumis au droit commun de l'enseignement supérieur particulier, mais "à la législation canonique applicable et à ses propres statuts et réglements" dans tout ce qui n'est pas prévu dans le présent diplôme" (art. 7). Elle avait déjà été exceptée du statut de l'enseignement particulier et corporatif (art. 3, nº 4 du décret-loi nº 271/89 du 19.8). Le recteur de l'Université catholique participe au Conseil des recteurs des universités portugaises avec les recteurs des universités de l'État, sans que les nombreuses universités particulières reconnues par l'État y soient représentées (art. 1 du décret-loi nº 283/93 du 18.8). L'État doit donc subsidier l'Université catholique (art. 6 du décret-loi 128/90) sans être limité par la comparaison soit avec l'enseignemen privé soit avec l'enseignement publique.
Rien de semblable n'existe pour les minorités religieuses. La formation des ministres protestants est faite soit dans le Séminaire évangélique de Théologie (Conseil portugais des Églises chrétiennes), soit par le Séminaire baptiste ou les écoles et instituts bibliques (pour les Églises rassemblées dans l'Aliance évangelique portugaise).
D'après la loi basique du système éducatif (loi nº 46/86 du 14.10) "les plans curriculaires de l'enseignement basique et secondaire intègrent l'enseignement de la morale et de la religion catholique, à titre facultatif, dans le respect des principes constitutionnaux de la séparation des Églises et de l'État et de la non-confessionalité de l'enseignement publique". Développant cette loi, le décret-loi nº 286/89 statue qu' "en alternative à la discipline de développement personnel et social, les élèves peuvent opter pour la discipline d'éducation morale et religieuse catholique ou d'autres confessions" (art. 7 nº 4). En exécution de cette disposition et en laissant de côté les lois d'application du concordat, dont j'ai parlé plus haut, une instruction du 16.11.1989 (Despacho normativo nº 104/89) a établi que le fonctionnement des classes de formation religieuse dépend, pour toute confession religieuse, de l'existence, en toute école publique, des 2e et 3e cycles de l'enseignement basique et de l'enseignement secondaire, d'un nombre pas inférieur à 15 élèves qui dans l'inscription l'aient volontairement demandé. Les classes seront données une heure par semaine par des professeurs proposés par l'autorité religieuse respective. La Commission pour l'action éducative évangélique dans les écoles publiques (COMACEP) représente une confession qui rassemble les deux fédérations d'Églises protestantes dans ce travail. L' ordonnance ministeriel nº 104/89 a été revoqué par le décret-loi nº 329/98 du 2.11, lequel a élargi cette possibilité à tout l'enseignement basique, en plus du sécondaire. Il y a maintenant une discipline d' éducation morale, religieuse, évangelique enseignée en 111 classes de 53 écoles en 1997/98. Les autre confessions non-catholiques n'ont pas de classes.
Les élèves qui choisissent de fréquenter les disciplines de formation religieuse sont astreints à une présence obligatoire en classe (article 7, nº 5, du décret-loi nº 286/89, du 29 août 1989; article 3 du décret-loi nº 323/83, du 5 juillet 1983, en ce qui concerne la matière de religion et morale catholiques, maintenant nommée éducation morale et religieuse catholique). Le nº 3 de l'article 3 du décret-loi nº 323/83 dispose qu'il y a un régime de contrôle des connaissances de la discipline, mais les résultats de l'évaluation ne peuvent pas avoir «un effet négatif» en ce qui concerne la progression scolaire de l'étudiant.
La jurisprudence constitutionnelle fut appelée trois fois, depuis 1982, à se prononcer sur la question de l'enseignement de la religion dans les écoles publiques précisément à propos des principes de séparation des Églises et de l'État et de la non confessionnalité des écoles publiques:
- en 1982 la Commission constitutionnelle apprécia, dans le cadre d'un contrôle préventif de constitutionnalité, un décret-loi approuvé par le gouvernement qui prétendait réglementer l'article XXI du Concordat [28] et instituer l'enseignement de la religion et morale catholiques dans les écoles publiques [29]
- en 1987, la cour constitutionnelle a dû apprécier, à l'occasion d'un contrôle abstrait a posterior, le même décret-loi, après son entrée en vigueur [30]
- en 1993, avec une composition différente de celle de 1987, la Cour constitutionnelle fut aussi appelée par 28 députés, en contrôle abstrait a posteriori, à apprecier la constitutionnalité de règles contenues dans deux ordonnances ministérielles (portarias) sur l'enseignement de la discipline de religion et morales catholiques dans le premier cycle de l'enseignement basique (enseignement primaire) et l'institution de cette matière dans les écoles supérieures d'éducation et dans les centres intégrés qui forment des éducateurs de l'enseignement maternel et des intituteurs de l'enseignement basique [31]
L'avis nº 17/82 de la Commission constitutionnelle ne se prononça pas sur l'inconstitutionnalité de l'acte soumis à son appréciation dans le cadre du contrôle préventif.
La discussion porta surtout sur la question de l'inconstitutionnalité organique, la Commission ayant considerée qu'il n'y avait pas d'innovation législative et, par suite, qu'il n'y avait pas, de ce fait, violation de la compétence réservée au Parlement, car le décret-loi reprendrait le régime du concordat et de la loi sur la liberté religieuse.
En ce qui concerne la nécessité d'une demande de dispense des classes de religion et morale catholiques, l'avis nº 17/82 considéra que la meileure interprétation de l'article 3 du décret-loi impliquait que cette demande fût conçue comme une simple déclaration, insusceptible d'être accueillie ou rejetée (interprétation conforme à la constitution), ce qui permettrait d'éviter toute violation de la constitution.
L'avis écarta aussi les autres arguments en faveur de l'inconstitutionnalité des solutions consacrées dans l'acte - argumentes tirés soit des principes de la séparation et de la non-confessionalité de l'enseignement public, soit de la liberté religieuse, celle-ci étant comprise dans ses composants de liberté de choix de religion et de traitement égalitaire des personnes.
À propos du principe de séparation, la Commission a affirmé expressis verbis que celui-ci ne signifie pas que «l'État doive être absolument étranger à la place que l'Église catholique occupe au sein de la societé portugaise» et que, en particulier en matière d'enseignement, l'État ne doit pas «pousser sa neutralité jusqu'à ce point extrême». Il n'y aurait, ainsi, aucune violation du principe de la non-confessionalité de l'enseignement public, car l'État «se limite à créer les conditions permettant à la majorité des étudiants, dont l'ascendance est catholique, d'exercer le droit à la liberté religieuse». Par ailleurs, «la liberté religieuse de la majorité de la population portugaise serait gravement altérée: d'un côté, les parents voulant que leurs enfants reçoivent ce type d'éducation, devraient le chercher en dehors de l'école publique et le payer, ce qui serait trop cher pour beaucoup d'entre eux; d'un autre côté, cette solution entraînerait, au moins dans les grandes villes, des pertes de temps difficilement conciliables avec les emplois du temps scolaires».
Finalement, l'avis affirma encore que la liberté religieuse n'interdisait pas la différence de traitement entre les élèves catholiques des écoles publiques et les autre élèves, car la loi peut traiter de façon différente ce qui est différent. Or, tenant compte du poids social de l'Église et de la religion catholiques, la différence de traitement serait conforme et proportionnelle, car adéquate à la représentativité de la confession catholique dans le pays.
La Cour constitutionnelle, par son arrêt nº 423/87, a cependant déclaré l'inconstitutionnalité, avec force obligatoire générale, de l'article 2, paragraphe 1, du décret-loi nº 323/83, du 5 .7.1983 - le même décret-loi qui avait été objet d'un contrôle préventif et au sujet duquel avait été élaboré l'avis nº 17/82 de la Commission constitutionnelle - «en ce qu'il exige queceux qui ne désirent pas recevoir l'enseignement de la religion et de la morale catholiques doivent faire une déclaration expresse dans ce sens, en vertu des dispositions des articles 168, nº 1, alinea b), et 41, nºs 1 et 3, de la constitution.
Outre l'inconstitutionnalité organique, cette disposition a été considérée inconstitutionnelle pour violation de la liberté religieuse, car «il faut une déclaration négative pour que cet enseignement ne soit pas obligatoire», le silence étant interprété comme une acceptation, quand bien même la personne souhaiterait «garder silence et maintenir dans le domaine de stricte réserve personnelle» ses convictions religieuses. En fait, «toute la liberté de ne pas faire - dans ce cas, la liberté négative de religion - est violée quand on exige et impose un acte, un facere (la manifestation d'une déclaration de volonté), comme condition nécessaire et indispensable à sa jouissance».
Le même arrêt n`a pas toutefois déclaré l`inconstitucionnalité de l`ensemble des règles de l`acte qui réglementaient l`article XXI du concordat, prévoyant l`enseignement de la religion et morele catholiques dans las écoles publiques, dispensé par des agences de l`État et payé par l`État.
La cour – faisant plusiers fois appel au régime concordataire et reconnaissant même qu`aucune règle constitutionnelle ne mentionne le concordat – a considéré que la bannissement de l`ensignement religieux dans les écoles publiques conduirait, compte tenu du contexte historique et culturel de la société portugaise, à porter atteinte au principe de la liberté religieuse dans son composant positif, puisque cette derniére ne représente pas seulement une spère d’autonomie face à l’État, mais qu’elle est aussi un pouvoir concret de réalisation propres à rendre plus facile aux élèves désireux de former leurs conscinces la connaissance d’une religion ou même de doctrines athéistes.
La cour a énoncé trois conditions indispensables, pour que la solution ne soit pas contraire à la constitution: « 1) que l’enseignement religieux soit assumé par les confessions elles-mêmes et non par l’État, encore que la matière puisse faire partie du programme scolaire; 2) que la définition des programmes et le recrutement des professeurs soit l’oeuvre des confessions, quoiqu'il puisse revenir à l’État de prendre en charge les frais correspondants; 3) que soit exigée une déclaration positive de volonté de recevoir l’enseignement religieux pour l' obtenir – et non pas de volonté positive pour en être dispensé – car l’exercice d’une liberté de facere peut dépendere de la pratique d'un acte donné (requête, déclaration, etc.)».
Finalemente, la cour, considérant que l’État «a le devoir de mettre à la disposition des différentes confessions la possibilité de dispenser leur ensignement religieux, dans les écoles publiques» aux élèves qui déclarent le désirer, a affirmé en obicter dictum que l’inexistence d’un régime identique pour les confessions autres que le catholicisme pourrait avoir le caractère d’une inconstitutionnalité par omission.
Dans sont arrêt nº 174/93, rendu à l’occasion d’un contrôle abstrait a posteriori, sur demande d’un groupe de députés, la cour ne déclara pas l’inconstitutionnalité de deux ordonnances ministérieles – la portaria 333/86, du 2 juillet 1986, et la portaria 831/97, du 16 octobre 1987, publiées respectivement en 1986 et en 1987.
Le premier de ces ordonnances prévoit que la discipline de religion et morale catholiques fait partie des plans d’études de l’enseignement primaire (les quatre premiéres années de scolarité), «au même niveau que les autres disciplines», et est placée sous la responsabilité de l’Église catholique. L’enseignement de la discipline religieuse peut être fait par l’instituteur lui-même, par la curé de la paroisse ou par une autre personne capable, la nomination appartenant de droit à l’autorité publique, sur proposition de l’évêque. Les programmes de cours, élaborés par l’Église, doivent être envoyés au ministère de l’effectuer les actions de soutien pédagogique et de formation des professeurs de la discipline religieuse. Si c’est l’instituteur lui-même qui enseigne cette discipline, l’ensignement doit avoir lieu pendant les horaires normaux des cours, les élêves qui ne la fréquentent pas devant être répartis, le cas échéant, dans les autres classes pendant ce temps, si cela est possible. Si cette dernière solution s’avère impraticable, les élèves doivent être pris en charge par leurs parents.
La deuxième ordonnance établit l’enseignement optionnel de la religion et de la morale catholiques dans les écoles supérieures de formation de professeurs de l’enseignement basique (les neuf premières années de scolarité), pour que ceux-ci puissent obtenir l’aptitude nécessaire à l’enseignement de la discipline religieuse à leur futurs élèves. Selon l’ordonnance, le statut professionnel des enseignants de l’enseignement supérieure est applicable, aux professeurs de religion et morale catholiques des établissements scolaires en cause. Leur contrat est cependant soumis au consentement préalable de l’évêque du diocèse.
Dans la continuité de l’arrèt nº 423/87, la cour réaffirma que la liberté religieuse, dans sa dimension de liberté de consience, comportait une valeur positive, impliquant de la part de l’État non seulement une attitude d’omission (un non facere), mais aussi une attitude positive, qui se traduit par le devoir d’assurer la pratique de la religion.
Ainsi, selon la cour, les principes de la non-confessionnalité de l’enseignement public et de la séparation des Églises et de l’État ne constituent pas un obstacle à ce que l’État puisse – et doive – coopérer avec les Églises pour assurer l’enseignement religieux dans les écoles publiques, le principe de la laicité n’impliquant pas un devoir pour l’État de s’abstenir de cette coopération (l’État ne doit pas être agnostique, athée ou laiciste). L’État a donc non seulement le devoir de «permettre aux Églises l’enseignement des religions dans les écoles publiques, mais encore le devoir de permettre aux différents confessions religieuses de dispenser un enseignement religieux, dans les écoles publiques, aux élèves», qui déclarent le vouloir. La cour considéra encore que «les besoins religieux sont devenus un bien juridique que l'État doit assurer et la liberté religieuse le critère basique d'orientation de l'action des pouvoirs publics vis-à-vis du phénomène religieux ».
Malgré cette lecture très floue, la cour a dû tenter plusieurs interprétations en conformité avec la constitution concernant certaines règles des arrêtes. C’est ce qui s’est passé notamment avec celle qui prévoit une officialisation du programme des cours; ainsi que celle qui confie à l’État le soutien pédagogique et la formation des professeurs de la discipline religieuse. Dans les deux cas, la cour ne déclara pas l’inconstitutionnalité, jugeant que, de toute façon, l’autonomie de l’Église était assurée, puisque l’État était obligé d’accepter sans possibilité de choix les programmes élaborés par les autorités religieuses et les formateurs désignés par les évêques.
En ce qui concerne la règle qui admet que l’instituteur lui-même peut, dans l’enseignement basique ou primaire, assurer non seulement l’enseignement des matières du programme «général», mais aussi l’enseignement de la religion et morale catholiques, lorsqu’il a été désigné par l’autorité ecclésiastique, la cour l’a considérée également comme compatible avec la constitution, quoique dans ce cas l’instituteur doive accomplir simultanément les fonctions d’agent de l’État et d’agent d’une Église, avec toute la «charge symbolique» d’une double répresentation – malgré le principle de séparation des Églises et de l’État – et nonobsant le fait – comme les cours de religion ont lieu pendant l’emploi du temps scolaire – que cette double fonction entraîne nécessairement, pour les élèves qui ne reçoivent pas l’ensignement de la discipline religieuse, soit l’abandon de la classe, soit des obligations scolaires alternatives. Reconnaissant que la solution pourrait, d’une part, donner l’impression que l’instituteur religieuse est imposé par l’État, et, d’autre part, pousser les parents à inscrire leurs enfants aux cours de religion par crainte d’éventuelles représailles de l’instituteur, la cour a cependant considéré que l’instituteur devait toujours être désigné par l’Église en non par l’État. En effet, la double représentation n’est pas interdite par le texte constitutionnel.
Les voix dissidentes ont été très critiques, estimant que la majorité du Tribunal avait fait une «relecture» de la constitution, voire une révision inconstitutionnelle de la constitution, surtout en ce qui concerne l’enseignement de la religion par l’instituteur. En effet, elles n’ont pas admis que cet enseignement puisse encore être considéré comme un enseignement dans l’école et non de l’école, quand le dit instituteur le dispense «en tant que fonctionnaire public et pendant l’horaire où il devrait être en train d’enseigner les autres disciplines du plan scolaire». Les mêmes voix dissidents ont souligné que l’arrêt avait interprété le principe de séparation seulement comme empêchant les instrusions de l’État au sein des confessions, alors que l’État doit en fait être un simple exécutant des décisions prises par les autorités ecclésiastiques. D’ailleurs, l’arrêt fut accueilli par des critiques généralisées de la part de la doctrine [32].
[Annexe]
Portugal
Project of Law on Religious
Freedom
(Proposta de Lei Nr. 269/VII: Diário da
Assembleia da República, II Série A, 24.4.1999)
I Principles
Article 1
(Freedom of conscience, religion and worship)
Freedom of conscience, religion and worship is inviolable and guaranteed to all in accordance with the Constitution, the Universal Declaration of Human Rights, the applicable international law and this law.
Article 2
(Principle of equality)
1. No one can be favoured, bettered, aggrieved, persecuted, deprived of any right or exempt from any duty owing to their convictions or religious practice.
2. The State shall not discriminate against any church or religious community as compared with others.
Article 3
(Principle of separation)
Churches and other religious communities are separated from the State and are free to organise themselves and in the exercise of their activities and worship.
Article 4
(Principle of the non-denominational State)
1. The State does not adopt any religion, nor even it pronounces on religious questions.
2. The State cannot plan education and culture according to any religious directives.
3. State education shall not be denominational.
Article 5
(Legal force)
1. Freedom of conscience, religion and worship allows only for the necessary restrictions in order to safeguard constitutionally protected rights or interests.
2. Freedom of conscience, religion and worship does not authorise criminal practice;
3. The limitations of the right to conscientious objection demarcate the permitted conduct for objector.
4. The law can regulate, whenever necessary, the exercise of freedom of conscience, religion and worship, without prejudice to the existence of this right.
5. The declaration of a state of siege or a state of emergency cannot in any event affect freedom of conscience and religion.
Article 6
(Principle of tolerance)
The conflicts between the freedom of conscience, religion and worship of one person and that of another or others shall be resolved with tolerance, so as to respect as much as possible the freedom of each one.
II Individual rights of religious freedom
Article 7
(Meaning of freedom of conscience, religion and worship)
Freedom of conscience, religion and worship includes the right to:
a) Have, not have and to cease to have a religion;
b) Choose freely one's own religious beliefs, change beliefs and abandon those which one had;
c) Inform others and be informed oneself about religion, to study and teach religion;
d) Profess one' s own religious beliefs, procure new believers in one's faith, express and divulge freely, using words, images or any other means, one's thoughts or religious matters;
e) Produce scientific, literary and artistic works on the subject of religion;
f) Meet, appear in public and associate with others in agreement with one's own convictions on religious matters, without limitations other than those laid down in Articles 45 and 46 of the Constitution;
g) Practise or not practise the acts of worship private or public, peculiar to the professed religion;
h) Act or not act in accordance with the norms of the professed religion.
i) Choose for one's children names from the list of names of the professed religion.
Article 8
(Negative meaning of religious freedom)
1. No one can:
a) Be obliged to profess a religious belief, practise or attend acts of worship, receive ministerial offices or propaganda on the subject of religion;
b) Be coerced into taking part, remaining in or leaving a religious association, church or religious community, without prejudice to the respective rules on affiliation and exclusion of members.
c) Be asked by any authority about one's convictions or religious practice, except for the collection of statistical data which is not individually identifiable, nor be discriminated against if one refuses to respond.
Be obliged to take a religious oath.
2. The information cannot be used for the processing of data referring to personal convictions or religious faith, except when dealing with the processing of statistical data which is not individually identifiable.
Article 9
(Right to religious participation)
Freedom of religion and worship includes the right, in accordance with the respective ministers of religion and according to the norms of the church or religious community chosen, to:
a) Belong to the church or religious community that one chooses, participate in the internal life and religious rites practised in common and receive the ministerial offices that one requests;
b) Celebrate marriage and be interred according to the rites of one's own religion;
c) Commemorate publicly the religious festivals of one's own religion.
Article 10
(Religious education of minors)
1. Parents have the right to educate their children in harmony with their own convictions on religious matters, with respect for the moral and physical integrity of the children and without prejudice to their health.
2. Minors, from the age of 16 years, have the right to make their own choices relating to freedom of conscience, religion and worship.
Article 11
(Conscientious objection)
1. Freedom of conscience includes the right to object to compliance with a law which goes against the imperative dictates of one's own conscience within the limitations of the rights and duties imposed by the Constitution and under the terms of any law which might govern the exercise of the conscientious objection.
2. The dictates of the conscience which are considered to be imperative are those the violation of which involves a serious attack on one's moral integrity.
3. Conscientious objectors to military service, without the exception of those who also invoke a conscientious objection to civil service, have the right to a civil service system which respects, to the extent that this is compatible with the principle of equality, the dictates of their conscience.
Article 12
(Ministerial office in special situations)
1. Being a member of the armed forces, security forces or police, offering military or civil service, internment in health, educational or welfare institutes or establishments or similar, detention in prison or other places of detention do not impede the exercise of religious freedom and, particularly, the right to ministerial office and the practice of acts of worship.
2. Vital restrictions for operational or security reasons can only be imposed by way of prior consultation provided this is possible, with the respective minister of religion.
3. The State shall create adequate conditions for the exercise of ministerial office in the State institutions referred to in no. 1.
Article 13
(Exemption from work, lessons and examinations for religious reasons)
1. The employees and agents of the State and other public entities, as well as contract worker, have the right to on request, suspend work on the day of weekly rest, on the days of festivals and during the hourly periods that are prescribed for them by the denomination that they profess, under the following conditions:
a) They shall work according to a flexitime scheme;
b) They shall be members of a church or registered religious community which has sent to the Minister for Justice during the previous year a list of the above mentioned days and hourly periods for the current year;
c) There shall be full compensation for the respective work period.
2. Under the conditions laid down in subparagraph b) of the above point, exempt from attendance at lessons on the holy days of the week devoted to rest and worship by the respective religious denominations are state or private education students who profess same, the conditions of normal school use remaining intact.
3. If the date for appraisal testing of students coincides with the day devoted to rest or worship by the respective religious denominations, these tests can be carried out at a second calling, or at a later calling, on a day on which the same objection does not arise.
Article 14
(Ministers of religion)
1. Ministers of religion are those persons considered to be such according to the norms of the respective church or religious community.
2. The status of minister of religion is certified by the competent bodies of the respective church or religious community, which also accredit the respective ministers for the practice of certain acts.
3. Authentication of the certificates and credentials mentioned in the above point falls to the register of religious corporate bodies.
Article 15
(Rights of ministers of religion)
1. Ministers of religion have the freedom to carry out their ministry.
2. Ministers of religion cannot be asked by magistrates or other authorities about facts and matters of which they have had knowledge by reason of their ministry.
3. The exercise of the ministry is considered a professional activity of the minister of religion when it gives him a means of support, sufficient evidence of which for the purposes of authorisation of residence to foreign ministers of religion being its guarantee by the respective church or religious community.
4. Ministers of religion of churches and other registered religious communities have the right to the services of the general social security system under the terms of the law, their being compulsorily registered by the church or religious community to which they belong, unless their religious activity is of a secondary nature and the exercise of the principal, non-religious activity requires compulsory registration in the social security scheme.
5. For the purposes of the two previous points, the ministers of religion, members of holy institutions and other persons who exercise religious activities professionally and who, as such, are certified by the church or religious community to which they belong, shall be compared with the ministers of religion.
Article 16
(Military service of ministers of religion)
1. The military obligations of students of the training establishments for ministers of religion, members of the holy institutions, as well as ministers of religion of churches and other registered religious communities, are fulfilled in ministerial office in the health services and in the social activities of the Armed Forces, in the event that they do not express any desire to join the actual service itself.
2. Attendance at training courses for ministers of religion of a church or registered religious community is ground for release of the tests for classification and selection for military service, as well as postponement of incorporation.
3. The right to conscientious objection to military service in general terms is intact.
Article 17
(Exemption from jury service)
Ministers of religion, members of holy institutions and other persons who carry out the religious activities of the church or other registered religious communities professionally can ask for exemption from jury service.
Article 18
(Religious marriage ceremony)
1. A religious marriage ceremony conducted by the minister of religion of a church or registered religious community settled in the country is recognised for civil purposes. The minister of religion shall have Portuguese nationality or, if a foreigner, have authorisation of temporary or permanent residence in Portugal.
2. Those who intend to contract a religious marriage ceremony shall declare it, in person or by proxy, with the request for inclusion of the respective published documents in the repository of the competent civil register, indicating the minister of religion accredited for the act. The marriage declaration can also be made by the minister of religion, by way of a request signed by same.
3. Once the marriage has been authorised, the registrar passes on the marriage certificate, under the terms of Articles 146 and 147 of the Code of the Civil Register, with the necessary adjustments. The certificate is only passed on if the registrar is certain that the betrothed have knowledge of Articles 1577, 1600, 1671 and 1672 of the Civil Code. The certificate must make mention of this fact, as well as the name and accreditation of the minister of religion. The certificate is returned informally to the minister of religion, who is also informed of subsequently known impediments.
4. The presence of the following people is indispensable for the celebration of the marriage:
a) The contracting parties, or one of these and the proxy of the other;
b) The minister of religion;
c) Two witnesses
5. Immediately after the marriage ceremony, the minister of religion makes a record in duplicate in the church register or that of the religious community and sends the duplicate record to the competent repository, within the time limit of three days, in order that it can be transcribed into the marriage records register.
6. The registrar shall carry out the transcription of the duplicate within the time limit of two days and inform the minister of religion of same up to the end of the day following that on which it was done.
III Collective right to religious freedom
Article 19
(Churches and religious communities)
Churches and other religious communities are organised and enduring social communities in which believers can achieve all the religious objectives offered to them by the respective denomination.
Article 20
(Religious objectives)
1. Irrespective of whether they are offered as religious objectives by the denomination, for the purposes of determination under the legal system, the following shall be considered:
a) Religious objectives are those of the exercise of worship or rites, care of souls, training of ministers of religion, missionary work and dissemination of the professed denomination and religious education;
b) Amongst the objectives that are other than religious are those of relief and acts of charity, education and culture, as well as those for commercial or lucrative gain.
2. Activities with non-religious objectives of the churches and religious communities are governed by the legal system and, in particular, the tax system for this type of activity.
Article 21
(Freedom to organise churches and religious communities)
1. Churches and other religious communities are free to organise themselves, being able to arrange with complete autonomy:
a) The formation, composition, competence and operation of their organs;
b) The appointment, activities and powers of their representatives, ministers, missionaries and religious agents;
c) The religious rights and duties of believers, without prejudice to the religious freedom of same.
d) The adherence or participation in the establishment of inter-denominational federations or associations, with their head-office in the country or abroad.
2. Clauses to safeguard religious identity and the special character of the professed denomination are allowed.
3. Registered churches and other registered religious communities can autonomously establish or recognise either churches or religious communities of local or regional scope, consecrated life institutes and other institutes with the character of associations or foundations, for the exercise or support of their religious activities.
Article 22
(Freedom to carry out religious activities and to worship)
Churches and other religious communities are free to carry out their religious activities and to worship, being able, namely, without interference from the State or third parties, to:
a) Carry out acts of worship, private or public, without prejudice to police and traffic requirements
a) Establish places of worship or meeting for religious purposes;
b) Teach according to the format and through the persons authorised by it the doctrine of the professed denomination,
c) Disseminate the professed denomination and procure new believers for it;
d) Minister to the needs of its own members;
e) Communicate and publish documents or matters of religion and worship;
f) Make contact with and communicate with the organisations of the same or other denominations in the national territories or abroad;
g) Appoint and train their ministers;
h) Establish seminaries or any other training or religious education establishment.
Article 23
(Religious education in public schools)
1. Churches and other religious communities or, in their turn, representative organisations of believers residing on national territory, once registered, by themselves, or jointly, when they decide to set up a single denomination for the purpose or agree on a common program, can ask the Minister for Education that they be allowed to provide religious education in the official schools of 2nd and 3rd levels of primary and secondary teaching as indicated by them.
2. The holding of classes on the religious education of a certain denomination or program depends on whether there is in each official school the minimum number of pupils who, have expressly and positively shown the desire to attend religious instruction in the registration document by the person in charge of education or by themselves, being older than 16 years.
3. Teachers shall be appointed or contracted, transferred and excluded from the teaching of religious instruction by the State, in agreement with the church representatives, communities or representative organisations. Teaching will never be ministered by a person who is not considered capable by the said representatives.
4. It falls to the churches and other religious communities to train teachers, draw up programmes and approve the didactic material, in harmony with the general guidelines of the educational system.
Article 24
(Times of religious broadcasts)
1. As part of public television and radio services, the churches and other registered religious communities are guaranteed, individually through the respective representative organisation, or jointly when they decide to take part as a single denomination, a time for broadcasting, set globally for all, in order to pursue their religious objectives.
2. The attribution and distribution of the broadcasting time mentioned in the previous point takes account of the representativeness of the respective denominations and the principle of tolerance, by way of agreements between the Religious Denomination Broadcast Time Committee and the incumbent companies of the public television and radio services.
3. The Religious Denomination Broadcast Time Committee is composed of representatives of the Catholic Church and churches and religious communities settled in the country or federations in which those are integrated, appointed for three years by joint ruling of the Ministry of Justice and the Ministry responsible for these public services after a hearing of the Committee of Religious Freedom.
Article 25
(Religious slaughter)
The religious slaughter of animals shall comply with the applicable legal provisions concerning protection of animals.
Article 26
(Non-religious activities of churches and other religious communities)
Churches and other religious communities can also carry out non-religious activities which are instrumental, consequential or complementary to their religious activities, namely:
a) To create special schools and co-operatives;
b) To do charitable work for believers, any persons or animals;
c) To promote their own cultural expressions or education and culture in general;
d) To use the appropriate means of social communication in the pursuit of their activities.
Article 27
(Right to be heard regarding town planning)
Churches and other registered religious communities have the right to be heard with respect to decisions relating to the effect on space for religious purposes in the town planning of those areas in which they have an organised social presence.
Article 28
(Use for religious purposes of property intended for other purposes)
1. If there is agreement with the owner, or the majority of joint owners, use for religious purposes of property or a parcel of land intended for other purposes cannot be the basis of an objection, nor of the application of penalties, by the administrative or autonomous authorities, in that a suitable alternative to implementation of these objectives does not exist. The right of expropriation for public use remains intact.
2. The rights and actions of owners under civil law are not affected.
Article 29
(Religious property)
1. Places of worship, buildings, annexes or worship objects cannot be demolished or used for another purpose except with the prior agreement of the church or the religious community, or by expropriation for public use or by requisition, in case of urgent public need, except if demolition turns out to be necessary because of ruin or danger to public health.
2. In cases of expropriation for public use or requisition or demolition the church or the religious community shall be heard whenever possible. It has also the right to be previously heard on the event of execution of works necessary to correct unsuitable health or security conditions and in case of classification as of cultural value.
3. In any case, it is not allowed to acquire or make a non-religious use except if the goods have been deprived of their religious nature by the respective church or religious community.
Article 30
(Tax-free contributions)
1. Churches and other religious communities can freely, without being subject to any tax:
a) Receive contributions from believers for the exercise of worship and rites, as well as donations for the implementation of their religious purposes, of a regular or casual nature;
Make public collections, specifically within or with access to places of worship, as well as in the buildings or places that belong to them;
Distribute free of charge publications with statements, notices or instructions on religious matters and display them in places of worship.
2. Not included in the exemption of the previous point is the cost of training, therapy or spiritual counselling offered entrepreneurially.
Article 31
(Tax benefits)
1. Registered religious corporate bodies are exempt from:
A) Any tax or general, regional or local contribution, on
a) Places of worship or other property or parts of same directly intended for implementation of religious objectives;
b) Installations of direct and exclusive support for activities with religious purposes;
c) Seminaries or any establishments actually intended for the training of ministers of religion or religious education;
d) Outbuildings or annexes of the property described in subparagraphs a) to d) for use by special social welfare institutions;
e) Gardens and parks of the property described in subparagraphs a) to e) provided they are not intended for profit purposes.
B) Property transfer tax and inheritance tax and tax on bequests with respect to:
a) Acquisitions of goods for religious purposes;
b) Deeds of incorporation of foundations, once registered as religious corporate bodies:
2. Individuals can, for the purposes of tax on the income of individuals, decrease the net income and, up to the amount determined by the respective Code, the value of the donations, in cash or in kind, that they have granted to the registered religious corporate bodies.
3. An amount equivalent to 0.5% of the tax on the income of individuals, settled on the basis of annual statements, can be intended by the taxpayer for religious objectives or acts of charity, a church or religious community settled in the country, which they shall indicate in the income tax return, provided that the church or religious community has requested the tax benefit.
4. Items intended, under the terms of the previous point, for church and religious communities are delivered to same or their representative organisations which shall present the Inland Revenue with an annual report on the destination of the received amounts.
5. The taxpayer who does not use the faculty under 3 can assign the equivalent amount to a corporate body of public utility having charitable or humanitarian objectives.
IV Statute of churches and religious communities
Article 32
(Legal personality of religious corporate bodies)
The following can acquire legal personality through registration in the register of religious corporate bodies which is created by the Ministry of Justice:
a) Churches and other religious communities of national scope or, in their turn, representative organisations of believers residing on national territory;
b) Churches and other religious communities of regional or local scope;
c) Holy institutions and other institutions with the character of associations or foundations, established or recognised by the corporate bodies mentioned in subparagraphs a) and b) in the pursuit of their religious purposes;
d) Federations or associations of corporate bodies mentioned in the previous subparagraphs.
Article 33
(Requirements for inclusion in the register)
l. The application for registration is addressed to the Minister for Justice and prepared with the statutes and other documents that are allowed to be registered:
a) The name, which must be distinguishable from any other religious corporate body existing in Portugal;
b) The constitution, institution or establishment in Portugal of the organisation corresponding to the church or religious community or the deed of constitution of association or establishment and eventually, also that of recognition of the religious corporate body;
c) The registered head-office in Portugal;
d) The religious purposes;
e) The goods or services that complete or shall complete the estate;
f) The rules governing formation, composition, competence and operation of their organs;
g) The provisions on the dissolution of the corporate body;
h) The method of appointment and the powers of their representatives;
i) Identification of the incumbents of the bodies with their functions and of the representatives, and specification of the competence of the latter.
Article 34
(Registration of churches or religious communities)
Registration of churches or religious communities of national scope, or regional or local scope when they have not been created or recognised by the above, is also prepared with documentary evidence of :
a) The general principles of the doctrine and a general description of the religious practice and acts of worship and, especially, the rights and duties of believers to jobs relating to the church or religious community, a summary of all these elements having to be submitted;
b) Its existence in Portugal, with particular emphasis on the facts which bear witness to the organised social presence, religious practice and length of time in Portugal.
Article 35
(Registration of the representative organisation of believers resident in national
territory)
1. Churches and religious communities of supranational scope can set up a representative organisation of believers resident in the national territory, which shall require its own registration in the register, instead of registration on the part of the church or religious community existing on national territory.
2. Registration is subject to the same conditions as the registration of churches or religious communities of national scope.
Article 36
(Churches and religious communities settled in the country)
1. Churches and religious communities registered with a guarantee of duration are considered as settled in the country, the qualification being witnessed by the Minister for Justice, in view of the number of believers and the history of its existence in Portugal, after a hearing of the Committee of Religious Freedom.
2. The certificate cannot be requested before there have been 30 years of organised social presence in the country, unless it is a case of a church or religious community established abroad more than 60 years ago. The certificate is entered in the register.
3. The application for the certificate shall be prepared with the evidence of the facts on which it is based, in harmony with the provision in Article 26.
Article 37
(Supplementary instructions)
1. If the application for registration or the certificate are inadequately prepared, the applicant shall be invited to make up for the deficiencies within sixty days.
2. With a view to the provision of clarifications or additional evidence, the applicant can also be invited to attend a hearing of the Board of Religious Freedom, specifying the subject matter and order of the hearing.
3. All these invitations shall be made within ninety days of the entry of the application for registration.
Article 38
(Rejection of registration)
Registration can only be rejected through:
a) Lack of legal requirements;
b) Falsification of documents;
c) Violation of the constitutional limits of religious freedom.
Article 39
(Mandatory registration)
1. Registration becomes mandatory once a year has passed since the delivery of the application for registration, provided that notification of rejection of registration has not been sent by registered letter to the applicant in the meantime.
2. The period referred to in no. 2, in the case of registration of churches or religious communities or of the respective representative organisation, is delayed by the period for the provision of deficient information or the hearing referred to in Article 26.
Article 40
(Modification of the elements or circumstances of the entry)
Modifications of the elements of the entry of the religious corporate body, or the circumstances on which it is based, shall be communicated to the register.
Article 41
(Dissolution of religious corporate bodies)
1. Religious corporate bodies are dissolved as a consequence of:
a) Deliberation of their representative organs;
b) Expiration of the time limit, if they have been set up temporarily;
c) Verification of some other extinguishing cause laid down in the deed of constitution or in their internal regulations;
d) Judicial decision, for the causes of judicial dissolution of civic associations.
2. Dissolution of a religious corporate body involves the cancellation of the entry in the respective register.
Article 42
(Capacity of religious corporate bodies)
The capacity of religious corporate bodies embraces all the rights and obligations necessary or suitable to the pursuit of their purposes.
Article 43
(Private corporate bodies with religious objectives)
Associations and foundations with religious objectives can also acquire a legal personality under the terms laid down in the Civil Code for private corporate bodies, their then being subject to the respective regulations, except with regard to their activity with religious objectives.
V Agreements between religious corporate bodies
and the State
Article 44
(Agreements between churches or religious communities and the State)
Churches or religious communities settled in the country or federations in which these are integrated can propose the conclusion of agreements with the State on matters of common interest.
Article 45
(Procedure for conclusion of agreements)
1. The agreement proposal is submitted through an application requesting the opening of negotiations addressed to the Minister for Justice, accompanied by supporting documentation for verification of the guarantees and compliance mentioned in subparagraph a) of article 46.
2. Having heard the Committee of Religious Freedom on the agreement proposal the Minister for Justice can:
a) Rightly refuse to negotiate the agreement;
b) Appoint a negotiating committee, composed of representatives of the Ministries concerned and an equal number of Portuguese citizens nominated by the church or religious community, with the task of drawing up a draft agreement or a report on the reasons for its impracticability. The Chairman of the Committee is appointed by the Minister.
Article 46
(Bases of refusal to negotiate the agreement)
The following are bases for refusal to negotiate the agreement:
a) It is not certain that the internal rules or the religious practice of the church or religious community comply with the regulations of the Portuguese legal system;
b) Five years have not passed since the refusal of a previous proposal;
c) The ratification of a new law in order to meet the practical objectives of the proposal is not necessary;
d) The basic content of the proposal does not merit approval.
Article 47
(Conclusion of the agreement)
1. Once approved by the Council of Ministers, the agreement is signed by the Prime Minister and by the competent Ministers on account of the subject matter, on the part of the Government, and by the representatives of the church or religious community on behalf of same.
2. The agreement shall only enter into force after its ratification by law by the Assembly of the Republic.
Article 48
(Bill for ratification of the agreement)
The agreement is submitted to the Assembly of the Republic with the bill which ratifies it.
Article 49
(Amendments to the agreement)
Up to the moment of deliberation of the Assembly of the Republic which ratifies the agreement, this can be amended by agreement of the parties, any amendment having to be immediately communicated to the Assembly of the Republic.
Article 50
(Other agreements)
Religious corporate bodies can conclude other agreements with the State, the autonomous districts and counties for the achievement of their purposes, which do not involve the ratification of a law.
VI Committee of Religious Freedom
Article 51
(Committee of Religious Freedom)
The Committee of Religious Freedom is set up as an independent advisory body of the Ministry of Justice.
Article 52
(Functions)
1. The Committee has functions covering examinations, information, opinions and proposals on all matters relating to the application of the Law on Religious Freedom, with the development, improvement and any revision of this Law and, in general, with the law concerning religions in Portugal.
2. The Committee also has the function of scientific investigation of churches, religious communities or movements in Portugal.
Article 53
(Competence)
1. In the exercise of its functions it falls namely to the Committee to:
a) Issue an opinion on the draft agreements between churches or religious communities and the State;
b) Issue an opinion on the settlement in the country of churches or religious communities;
c) Issue an opinion on the composition of the Religious Denominations Broadcast Time Committee;
d) Issue opinions on the registration of churches or religious communities requested by the registry department of religious corporate bodies;
e) Examine the development of religious movement in Portugal and, in particular, collect and update information on new religious movements, provide the necessary information to the departments, institutions and persons interested and publish an annual report or the matter;
f) Produce studies, information, opinions and proposals as entrusted to it by law, by the Ministry of Justice or on its own initiative.
2. The Committee draws up its own internal regulations.
Article 54
(Co-operation of departments and public bodies)
In the exercise of its functions, the Committee has the right to the co-operation of departments and other public bodies.
Article 55
(Composition and operation)
1. The Committee is composed of persons grouped at equal level in the following three subparagraphs:
a) The chairman and four members appointed by each of the following Ministries: Justice, Finance, Internal Administration and Welfare and Social Security;
b) Two members appointed by the Portuguese Episcopal Conference and three members appointed by the Ministry of Justice from amongst the persons indicated by the non-Catholic churches or religious communities settled in the country and by the federations in which these are integrated, taking into consideration the representativeness of each one and the principle of tolerance;
c) Five persons of recognised scientific competence in the areas relating to the functions of the Committee appointed by the Ministry of Justice, so that the pluralism and neutrality of the State be guaranteed;
2. When the question of appraisal makes reference to Ministries other than those given in subparagraph a) of the point above, it can take part in the sessions relating to the respective vote of the Ministry in question, without the right to vote.
3. The mandate of Committee members is three years and can be renewed.
4. The Committee members have the right to produce a dissenting vote on the opinions referred to in subparagraphs a), b), c) and d) of Article 51 when they have taken part in the deliberation approving them.
5.The Committee can function in plenary or as a permanent committee
Article 56
(Chairman)
The chairman is appointed by the Council
of Ministers under the Minister for Justice’s proposal for renewable periods
of three years from amongst jurists of acknowledged competence.
The functions of chairman are considered to be those of scientific investigation
of a legal nature.
The duties of chairman can be carried out jointly with full-time teaching.
Article 57
(Services)
1. Technical and administrative support is provided for the Committee by the:
a) Investigation Centre;
b) Data Processing and Document Support Centre;
c) Administration Centre.
2. The Committee has an organisational chart determined by ruling of the Government.
VII Supplementary and temporary provisions
Article 58
(Legislation applicable to the Catholic Church)
The Concordat between the Holy See and Portugal of 7 May, 1940, the Additional Protocol to same of 15 February, 1975 are kept, as well as the legislation applicable to the Catholic Church, the provisions of this Law relating to churches or religious communities registered or settled in the country not being applicable to same, without prejudice of acceptance by agreement between the State and the Catholic Church of any arrangements.
Article 59
(Amendment of Article 1615 of the Civil Code)
Article 1615 of the Civil Code shall read as follows:
(Article 1615)
(Publicity and format)
"The celebration of marriage is public and is subject, according to the will of the betrothed:
a) To the format laid down in this code and in the laws of the civil register;
b) To a religious format, under the terms of special legislation;”
Article 60
(Amendment of subparagraph b) of Art. 1654 of the Civil Code)
Subparagraph b) of Article 1654 of the Civil Code shall read as follows:
"b) The entries of urgent civil marriages or according to a religious format celebrated in Portugal;"
Article 61
(Amendment of point 2 of Article 1670 of the Civil Code)
Paragraph 2 of Article 1670 of the Civil Code shall read as follows:
"However, the rights of a third party which are compatible with the rights and duties of a personal nature of married couples and children, remain intact, unless, this being a matter of registration through transcription, this has been done within the seven days subsequent to the celebration."
Article 62
(Legislation expressly revoked)
Law no. 4/71 of 21 August and Decree no. 216/72 of 27 June are expressly revoked.
Article 63
(Non-Catholic religious denominations and religious associations currently registered)
1. Non-Catholic religious denominations and religious associations registered in the corresponding register of the Ministry of Justice maintain their legal personality and capacity, their being subject to this law with respect to their religious activities under the terms of Article 43.
2. These denominations and associations can request their conversion to a religious corporate body under the terms of Articles 33 up to 39 by way of compliance with the respective requirements, within the time limit of three years from the entry into force of this law.
3. If they have not done this, they shall only be registered in the National Register of Corporate Bodies, where the files and documents which shall serve as the basis for the respective registers shall be sent.
4. Once the time limit mentioned in point 2 has expired, the current register of non-Catholic religious denominations and religious associations of the Ministry of Justice is abolished.
Article 64
(Social security)
For ministers who benefit from the social security system set up by Regulatory Decree no. 5/83 of 31 January, 1983 and who belong to religious denominations or associations referred to in the previous article, which have not been converted into religious corporate bodies, the respective scheme continues to be applicable.
Article 65
(VAT)
1. Churches and other religious communities settled in the country holy institutuions and other institutions with the character of associations established or recognized by them and also federations and associations of them may opt for the ruling of article 1 of Decree no. 20/90 of 13 January as long as it remains in force. Nos. 3 and 4 of article 31 do not apply in such a case.
2. Charitable institutions which required the restitution of VAT during the same year can not benefit of the assignement under article 31, nº 5.
Article 66
(Entry into force of the tax benefits)
Article 31 enters into force on the date of the beginning of the fiscal year following that of the entry into force of this law.
Article 67
(Settlement in the country)
The time of organised social presence in the country necessary for the churches and religious communities to require the certificate under article 36,nº2, is of 24 years in 1999, of 25 years in 2000, of 26 years in 2001, of 27 years in 2002, of 28 years in 2003 and of 29 years in 2004.
Article 68
(Tax laws and codes)
The Government may introduce into the correspondent tax laws and codes the alterations that follow from this law.
Article 69
(Supplementary legislation)
The Government shall publish within sixty days the legislation on the register of religious corporate bodies and on the Committee of Religious Freedom necessary for the full application of this law.